Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
les cryptanalystes civils des baraquements, l’horizon semblait limité, il l’était encore plus pour une Wren. Ce n’était pas seulement la nature mécaniste du travail consistant à faire fonctionner les bombes cryptographiques, mais également la navette immuable entre la salle des machines et le dortoir. Ce n’est qu’après être revenue des décennies plus tard que Jean Valentine se rendit compte qu’elle avait seulement découvert une toute petite partie du Park pendant cette courte période de la guerre. Elle précise que « tout était remarquablement cloisonné ».
Et les restrictions n’étaient pas exclusivement physiques, la méthodologie de travail était elle aussi hermétiquement verrouillée. « Je travaillais dans cette Salle des bombes, continue-t-elle. Et lorsque nous obtenions une réponse des machines, nous nous dirigions vers le téléphone pour transmettre à un numéro de poste la nouvelle. Ce n’est que des décennies plus tard que je me suis rendu compte que nous appelions simplement le baraquement 6 de l’autre côté du chemin. »
Si le boulot avait été fait correctement, le message chiffré était saisi et on sortait une bande en allemand. « Cette bande se retrouvait alors dans le baraquement rose, situé à cinq mètres en face de l’entrée du baraquement 11. Là, les traducteurs traduisaient le message en anglais. Tout ceci se déroulait dans ce minuscule carré. De Bletchley Park, je ne voyais rien d’autre que cet ovale de pelouse devant le manoir. »
Le fait d’être transplantées en pleine Angleterre rurale produisait chez bon nombre de personnes un véritable choc culturel. Jean se souvient : « Quand nous ne travaillions pas, nous faisions un saut au village le samedi soir, moment où tous les habitants sortaient. Un soir, une femme qui était là avec son bébé a sorti son sein pour le fourrer dans la bouche du bébé. Ça m’a carrément horrifiée. Je n’avais encore jamais vu un bébé boire au sein et encore moins lors d’une excursion dans un village. Mais cela paraissait normal. Personne ne semblait trouver à redire qu’une femme sorte ainsi un sein pour allaiter son bébé. »
Sheila Lawn estime qu’« en termes d’attitude, les gens de 18 ans étaient plus jeunes à l’époque qu’aujourd’hui ». Mais c’est peut-être une question d’environnement. Des études tendent à prouver que, dans les années 1920 et 1930, les gens vivant dans de petites communautés de la campagne anglaise étaient moins rigides d’esprit que les citadins sur des sujets tels que le sexe avant le mariage. Même là, nombre d’enfants nés hors des liens du mariage se retrouvaient vite intégrés dans la famille. On disait alors à l’enfant en question que sa mère était sa « sœur ».
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1941 : Churchill à Bletchley
He’s the grand old man [C’est un grand monsieur]
For us he’s doing all that he can [Qui fait pour nous tout ce qu’il peut]
Britain’s guiding star [C’est le guide de la Grande-Bretagne]
Known near and far [Connu ici et là-bas]
Wearing his famous bulldog grin [Pour son sourire de bouledogue]
And smoking his big cigar [Et son gros cigare]
Difficile aujourd’hui d’écouter la joyeuse chansonnette de 1941 de Max Miller sans sourciller un tant soit peu. L’enthousiasme, c’est bien, mais la flagornerie mielleuse du monde du spectacle ? Pourtant, cette chanson, « The Grand Old Man », était un tube à l’époque, pas seulement parce que l’on vivait une période moins cynique, mais aussi parce que, dès qu’il a été nommé Premier ministre en mai 1940, les gens ont pensé que la Grande-Bretagne avait énormément de chance d’être dirigée par Churchill. (Très peu de gens, par exemple, auraient été de l’avis d’Evelyn Waugh, qui dit par la suite que Churchill avait tort sur tout et qu’il s’était entouré d’escrocs.)
Pendant de nombreuses années après la guerre, on a affirmé que le rêve des Britanniques était que la Reine passe chez eux à l’improviste pour le thé. De même, Winston Churchill était dans le cœur du personnel de Bletchley Park et pas simplement parce qu’il les enthousiasmait. Le ressort psychologique semble avoir été plus profond.
Gordon Welchman a gardé en mémoire ce jour de septembre 1941 où Churchill se rendit à Bletchley Park. Dans son livre The Hut Six Story , il apparaît à travers le récit savoureux de Welchman que cette visite
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