Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
activités sérieuses de déchiffrement.
« Nous avons tous rejoint la Home Guard, au sein de laquelle on s’amusait et on jouait. Nous sommes allés sur le terrain, en dehors de Bletchley, pour voir si d’éventuels parachutes allemands se posaient pendant la nuit. Les universitaires au sein de la Home Guard, ce n’était pas triste, ajoute-t-il. Vous imaginez, l’armée de papa. Certains parmi eux, les plus brillants, étaient aussi les plus outrés… Un ou deux avaient cependant une formation militaire. Il y avait un gars, Michael Bannister, dont le père était dans l’armée. Bannister avait tout du militaire et il a bien essayé d’instaurer certains principes, mais en vain. C’était une exception. Nous n’étions vraiment pas faits pour ça. »
Au départ, l’idée de se retrouver dans la Home Guard plaisait plutôt à Alan Turing, car c’était l’occasion d’apprendre à se servir d’une arme. Et à ce jeu, il s’est révélé bien plus précis que beaucoup d’autres. Cependant, l’intérêt de Turing pour cette activité déclina considérablement une fois son tir perfectionné. En outre, vers 1942, la perspective d’une invasion nazie de la Grande-Bretagne s’était éloignée. Il commença alors à ne plus participer aux défilés.
L’attitude apparemment désinvolte de Turing irritait les autorités, lesquelles lui signifièrent que, dans la mesure où il s’était engagé dans la Home Guard, il devait respecter la loi militaire. Turing souligna calmement aux officiers furieux qu’il n’en était rien et qu’il l’avait indiqué dans le formulaire d’engagement. L’une des questions était : « Comprenez-vous qu’en vous engageant dans la Home Guard vous vous placez sous le régime militaire ? » Turing avait répondu « Non » à cette question. Et, bien entendu, personne ne l’avait remarqué.
Si les femmes, y compris les Wrens, étaient bien plus nombreuses que les hommes au sein du Park, il n’en demeurait pas moins que la gente masculine était bien sûr très largement aux commandes. Autour des Wrens figurait toujours un officier masculin quelque part. Les civiles, quant à elles, rendaient compte aux responsables des baraquements, qu’il s’agisse de Gordon Welchman ou du blond aux yeux bleus Hugh « knock-out » Alexander.
En matière d’uniforme, il fallait aussi prendre en compte l’opinion des dames. Sarah Baring dit que la présence d’un militaire ravivait un peu les sens dans la section où elle travaillait : « Il y avait très peu de militaires, la plupart du personnel était civil. Mais on comptait quand même quelques uniformes, que nous trouvions terriblement excitants. Vous auriez vu cet uniforme de la marine ou de l’armée de l’air, c’était charmant. Par exemple, le bruit courait que quelqu’un de la marine avait débarqué. C’était passionnant parce que c’était assez rare. »
Concernant la hiérarchie, Sarah Baring décrit en détail ce manque flagrant de structure, récit d’un imbroglio tentant d’associer les sensibilités militaires et civiles.
Un matin, je travaillais comme d’habitude dans la salle d’indexation quand j’ai entendu des bruits de pas à l’extérieur. La porte s’est ouverte et mon parrain est entré. À l’époque, c’était le vice-amiral Lord Louis Mountbatten, chef des Opérations combinées et naturellement dans le secret d’Ultra. Il était accompagné d’un tas de personnalités et de gens de Bletchley apparemment stressés.
J’ai réussi à bredouiller, étonnée : « Oncle Dickie, qu’est-ce que tu fais là ? » « Oh, dit-il, je savais que tu étais là et j’ai voulu venir voir comment tu t’en sortais. Montre-moi le système de références croisées. » Rouge de confusion, je lui ai montré, consciente de la colère éprouvée par les éminents cryptanalystes…
J’étais vraiment heureuse de voir oncle Dickie et, comme l’indexation était considérée comme un travail plutôt d’humilité, tous ceux qui assistaient à la scène étaient aux anges. Le ciel s’est assombri le lendemain matin lorsque l’on a exigé d’un ton péremptoire que j’aille voir sur-le-champ le capitaine Travis. Il me demanda comment j’avais pu oser demander au chef des Opérations combinées de visiter la salle d’indexation. Je lui ai assuré, les larmes aux yeux, que je n’étais pas au courant de sa visite et que c’était mon parrain. Il a estimé que je disais
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