Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
mutualiser leur expertise en matière de cryptanalyse.
Et pendant que les Américains disposaient de Turing et de nouvelles bombes cryptographiques, Bletchley accueillait des Américains, plus précisément des soldats, qui se trouvaient être experts en cryptographie. Le casseur de codes Oliver Lawn se souvient de leur arrivée :
L’armée de terre américaine envoya un groupe de cryptographes travailler avec nous dans le baraquement 6. Ils étaient dirigés par un certain William Bundy, à l’époque capitaine de l’arme de terre américaine. Bien après la guerre, il est devenu un éminent personnage de la politique américaine.
Nous nous entendions très bien avec lui. Il est arrivé une demi-douzaine de personnes qui ont mis la main à la pâte. Ils travaillaient comme nous et sont devenus des membres à part entière de notre équipe.
Selon son récit de Bletchley Park, Peter Calvocoressi était également impressionné par la facilité avec laquelle les Américains s’adaptèrent au fonctionnement quotidien. Il écrit :
Un jour d’avril 1943, un certain colonel Telford Taylor fut présenté au sein du baraquement 3. C’était le premier de nos collègues américains. Il savait déjà beaucoup de choses à propos d’Ultra et, visiblement, il ne lui a fallu qu’une semaine pour maîtriser ce sur quoi nous travaillions. D’autres collègues du même acabit ont suivi. C’étaient également des civils temporairement mobilisés et ils avaient à peu près le même parcours que nous, à ceci près qu’ils comptaient parmi eux plus d’avocats que nous.
On les a affectés à nos diverses sections, dont ils sont devenus des membres à part entière en un rien de temps.
Lorsque les quartiers généraux de l’armée de terre et de l’armée de l’air américaines ont été implantés en Angleterre, avant d’être ensuite transférés sur le continent, ils disposaient de leurs propres officiers de renseignement Ultra et d’un réseau de communication dédié avec Bletchley Park. Mais, au sein du Park, Britanniques et Américains étaient mélangés.
Dans la Section 3A, par exemple, certains conseillers de l’armée de l’air étaient américains, mais tous les conseillers étaient au service des commandements américain et britannique, sans discrimination. L’intégration du contingent américain s’est faite tellement en douceur que nous l’avons à peine remarquée. C’était sans doute dû au sens de l’intérêt commun, mais aussi aux personnalités et qualités des premiers Américains à débarquer, ce dont nous n’avions peut-être pas réellement conscience à l’époque…
Le colonel Telford Taylor fit lui aussi preuve de la même bienveillance, en écrivant par la suite :
Je ne décrirai jamais assez bien la chaleur de l’accueil et la patience des membres du baraquement 3 (et à un moindre degré ceux du baraquement 6 et des autres baraquements) pour me guider et m’expliquer les nombreux aspects du travail. Au départ, je n’avais pas de bureau, mais Jim Rose et Peter Calvocoressi m’ont installé dans le leur […] « C », Travis et de Grey se sont montrés extrêmement polis et Travis vraiment gentil…
Je suis très fier de la facilité, de la bonne volonté et de la réussite de cette association, à porter au crédit des Britanniques et des Américains.
Le colonel Taylor fut au centre d’une sorte de scandale quand il s’embarqua dans une liaison avec la cryptographe anglaise Christine Brooke-Rose. Celle-ci confia par la suite à Michael Smith que son mari avait réagi d’une façon qui semble vraiment coller de manière caricaturale à cette époque : « Il était vraiment très britannique. Lui et Taylor ont parlé. Après coup, Taylor a vraiment trouvé ça drôle car il trouvait mon mari tout à fait dans l’esprit britannique. Il lui a serré la main et dit que tout allait bien, ce qui n’était pas le cas car notre mariage a volé en éclats. »
L’idée que des soldats américains viennent en Grande-Bretagne et prennent des libertés avec les femmes célibataires est l’un de ces clichés comiques aussi profondément ancrés dans les esprits que ces liaisons spéciales proprement dites.
L’ancien de Bletchley Park Harry Fensom se souvient avec beaucoup d’humour de la « remarque d’un lieutenant américain stupéfait » qui avait visité les sites où l’on cassait les codes. Cet Américain observa que
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