Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
« les bâtiments renfermaient des merveilleuses machines et de nombreuses femmes séduisantes. Les machines étaient l’œuvre de la British Tabulating Company et les femmes celle de Dieu ».
Le contingent américain basé à Bletchley Park trouvait la vie dans la campagne du Buckinghamshire agréable et stimulante à plus d’un titre. Prenons ce témoignage d’un soldat américain, recueilli par Marion Hill. Il évoque avec nostalgie la vie sociale animée dont il profitait en compagnie des Wrens :
« Nous étions 100 Américains, dont au moins la moitié travaillaient en parfait accord avec les autochtones, pour beaucoup des femmes. Dans l’ensemble de la communauté, les hommes étaient plutôt peu nombreux, car une grande partie des gars du coin avaient été mobilisés dans l’armée. Par conséquent, on invitait toujours les Américains à danser. Au moins la moitié d’entre nous étaient mariés, mais nous ne l’avons pas souvent oublié. Parmi les célibataires, quelques-uns ont épousé une Britannique. »
De même, certaines femmes travaillant au Park ont des souvenirs impérissables (et curieusement innocents) de ces apollons américains. L’une d’elles dit ceci : « Nous allions régulièrement danser avec les aviateurs américains […] parce qu’ils avaient de la nourriture et des glaces délicieuses. » Une autre, tout aussi ingénue, précise : « Bill, un capitaine américain appartenant aux Transmissions, avait une jeep que je regardais avec envie. Je n’étais jamais montée dans une jeep. »
Il devait bien sûr y avoir des moments délicats où les deux cultures s’observaient sans se comprendre. Les goûts culinaires étaient par exemple un sujet de divergence. Un militaire américain de Bletchley avait remarqué que l’on pouvait toujours faire du troc à la cantine : « Les Britanniques avaient toujours envie de protéines et c’était chaque fois un plaisir immense de voir les filles britanniques engloutir mon hareng fumé pendant que je mangeais ma tartine. » À l’inverse, Lord (Asa tout court, à l’époque) Briggs avait des yeux comme des soucoupes à la perspective de manger américain et lorsqu’il entendait parler de l’éducation américaine. À Bletchley Park, se rappelle-t-il, « j’ai entendu parler pour la première fois de jus de tomate, de bacon américain, de café américain et, en particulier, des universités américaines ».
Après la guerre, un officier américain a résumé ce qu’il considérait être les grands atouts de Bletchley Park : « Si vous deviez vous retrouver dans l’armée, c’était appréciable d’être dans un endroit où vous ne risquiez pas de vous faire tuer. C’était aussi gratifiant d’avoir un poste administratif extrêmement important pour l’effort de guerre et qui vous demandait de relever un défi mental considérable. »
En 1944, ce fut au tour de Gordon Welchman de se rendre aux États-Unis et le récit de son voyage illustre les frustrations et satisfactions liées à la vie secrète de BP :
Je me suis rendu aux États-Unis en février 1944, à bord du Queen Mary , et je me suis retrouvé à la table du capitaine en compagnie de plusieurs personnes célèbres, dont un ministre britannique, le responsable du National Physical Laboratory et le producteur de cinéma Alexander Korda.
Pendant le voyage, il est devenu évident que le ministre ne voyait pas d’un bon œil la présence à la table du capitaine de ce Gordon Welchman, qui ne faisait apparemment rien d’important. Mais quand nous avons atteint New York, alors que les passagers attendaient les instructions, nous avons entendu l’annonce suivante : « Nous prions M. Alexander Korda et M. Gordon Welchman de bien vouloir débarquer. » Je me trouvais alors aux côtés du ministre et j’ai pu lire la stupéfaction sur son visage.
Aux États-Unis, il était l’invité de Sir William Stephenson, pointure du renseignement qui, sur l’ordre de Churchill, avait monté un « service secret britannique » annexe de l’autre côté de l’Atlantique au cas où les Allemands envahiraient la Grande-Bretagne. Mais l’admiration de Welchman portait sur le pays et son peuple. Il aima tellement ce qu’il vit et vécut là-bas qu’en 1948 il s’y installa pour de bon. Voici le récit de sa première rencontre avec ses homologues américains :
J’ai trouvé les Américains particulièrement doués pour mettre les
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