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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dan Franck
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l’Armée secrète accompagnait une autre nouvelle que Max n’ignorait pas : les principaux chefs des mouvements de résistance partaient en Angleterre pour demander sa tête au général de Gaulle. Max se retrouvait sans moyens et abandonné par Londres. Il s’opposait à tous. L’après-guerre se profilant, il tentait de réintroduire les anciens partis et les syndicats dans une structure démocratique. Les chefs de la Résistance le combattaient durement sur ce point : ils voulaient tout pour eux-mêmes. Et, surtout, rien pour les communistes. Déjà rude, la bataille serait pire encore lorsqu’il faudrait trouver un remplaçant au chef de l’Armée secrète.
    Attablé devant son bouillon Kub, Max parut très seul, très bouleversé aux yeux de son secrétaire. S’il avait recueilli ses confidences, le juge se fût fait lui aussi l’écho de cette désespérance. Depuis son retour en France, Max n’avait pas cessé de se battre. Contre l’occupant, bien sûr – il fallait le fuir –, mais aussi contre ses alliés – ils pliaient difficilement devant l’autorité gaullienne. Le juge se représentait souvent l’image d’un homme de quarante-trois ans (le plus vieux de tous) s’entraînant ausaut en parachute près de Manchester pour revenir en France. Epuisé par l’effort, il en vomissait. Mais il apprit, et il revint.
    Le seul moment de paix, Max le connut peu après son arrivée, dans un appartement glacé de la rue Kléber, à Marseille. Il y retrouva Henri Frenay, le chef de Combat, et son adjoint. Il leur raconta son voyage, via l’Espagne et le Portugal, son arrivée dans le sud de l’Angleterre à bord d’un hydravion. Il avait été longuement interrogé par les services secrets britanniques, qui se montraient méfiants à l’égard des anciens membres du Front populaire. Enfin, il avait rencontré le colonel Passy puis le général de Gaulle (il ne précisa pas combien il craignait les dérives droitières du Général, qui comptait dans son entourage nombre d’anciens camelots du roi, ni qu’il avait accepté de soumettre son pouvoir civil à l’autorité de l’homme du 18 juin alors que son grade dans l’administration était supérieur à celui d’un général de brigade).
    Face à ses interlocuteurs enchantés d’avoir enfin un contact avec la France libre, Max sortit une boîte d’allumettes de sa poche, en déchira le fond et fit apparaître plusieurs micro-photos. On les découvrit à la flamme d’un réchaud à gaz, à travers une loupe quel’envoyé de Londres avait apportée avec lui. Les documents, signés de la main du général de Gaulle, désignaient celui-ci comme son représentant personnel, chargé d’unifier les réseaux de résistance. Ils traçaient également des lignes de conduite que les combattants de l’ombre reçurent comme des ordres, ce qui les indigna : de quel droit une autorité, quelle qu’elle fût, et, surtout, très éloignée des réalités de la France occupée, se permettait-elle de se placer au-dessus de ceux qui ne l’avaient pas attendue pour se rassembler et combattre ?
    Max fit taire les récriminations en donnant aux chefs des mouvements l’argent qu’ils attendaient pour s’armer et se développer. Il promit des liaisons radio et des parachutages. Pour autant, les conflits perdurèrent. Attablé devant son bouillon Kub, très seul et très désemparé face à son secrétaire, Max prévoyait que la succession du général Delestraint relèverait du combat de catch entre les chefs des mouvements et lui. Ils réclameraient la direction de l’Armée secrète que ni lui ni le général de Gaulle n’étaient prêts à leur accorder. Il y avait aussi le problème Didot. Max avait appris qu’il venait de reparaître à Lyon. Ignorant qu’il n’avait pas rencontré le général Delestraint, il s’interrogeait : pourquoi n’avait-ilpas été arrêté en même temps que l’officier ? Il donna l’ordre à son secrétaire de couper les ponts avec lui tant que ce mystère ne serait pas éclairci – et de faire passer le message.
     
    En finissant son bouillon Kub, le juge se désolait en pensant que si Max était arrivé à l’heure à la réunion de Caluire, ou s’il avait été conduit à l’étage où l’attendaient ceux qu’il avait convoqués, ou encore s’il avait appris que Didot s’était invité dans la maison du docteur, il aurait aussitôt annulé la rencontre et ordonné que René Hardy fût isolé et

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