Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dan Franck
Vom Netzwerk:
magistrale.
    « C’est Castellane qui met en relation Raymond Richard et votre fiancée, Lydie Bastien.
    — Peut-être, élude Hardy.
    — Raymond Richard, autre cagoulard, poursuit le juge sans s’émouvoir. Action française avant la guerre, agent de Vichy et de l’Abwehr pendant. »
    Hardy ne souffle mot.
    « Décoré de la francisque, membre du Spac jusqu’en 1943. Le Spac : Service de police anticommuniste. Votre homme travaillait donc pour Vichy. Sa spécialité : la chasse aux résistants de gauche… »
    Hardy claque des doigts et dit :
    « Je ne vous autorise pas à l’appeler votre homme.
    — Je l’appellerai comme je veux, notamment votre homme.  »
    Le juge jette sur l’inculpé un regard lourd, noir, tout de fureur contenue.
    « Combien de fois avez-vous vu Raymond Richard ?
    — Je ne sais plus, marmonne Hardy.
    — Où ?
    — A Paris.
    — Rue Mallet-Stevens, peut-être ?
    — Je ne me souviens pas, répète l’inculpé.
    — Les documents relatifs à l’arrestation de patriotes transmis par Raymond Richard, cagoulard fasciste, à Jehan de Castellane, cagoulard fasciste, pour qu’il les remette à Lydie Bastien ou à vous-même, concernaient certainement des résistants communistes, ou de gauche, que Raymond Richard enfermait dans ses locaux de la rue Mallet-Stevens. »
    Le juge se soulève de son siège et poursuit, les dents serrées :
    « Dans les caves de ses locaux de la rue Mallet-Stevens, on a retrouvé des instruments de torture. Des baignoires, des poulies, des fouets… Les mêmes que ceux auxquels vous avez échappé à Lyon… Votre homme, Raymond Richard, vichyste et recruté par l’Abwehr allemande, était un ennemi, monsieur Hardy ! Il trahissait, il torturait, c’était un être ignoble ! »
    Le juge pose ses deux poings sur la table de la cuisine et se lève. La rage déforme ses traits.
    « Fusillé en 1948. Combien de ravages a-t-ilcausé dans nos rangs ! Et c’est vous qui l’y avez introduit ! »
    Il pointe un doigt accusateur en direction de l’autre chaise.
    « Vous connaissiez le profil faisandé de cet homme-là, je le redis, votre homme , vous saviez qu’il travaillait pour Vichy, mais vous avez fait affaire avec lui ! C’est Lydie Bastien qui le rencontre la première, par l’intermédiaire de Castellane, c’est elle qui vous rapporte de Paris les documents dont Raymond Richard se sert comme clé pour ouvrir la porte de votre mouvement, et c’est vous qui montez à Paris pour le voir ! Le voir et le revoir ! C’est ainsi qu’il est entré dans votre groupe de résistants : grâce à vous ! »
    Le juge ne cherche même plus à se contenir. Il est debout, dans sa cuisine, parlant face à une chaise vide. La nuit est tombée depuis longtemps. Il a tout oublié. Sa voix s’élève.
    « C’est comme ça aussi que Lydie Bastien est devenue un agent de Raymond Richard. Donc, au service de l’Abwehr ! Un joli monde, je vous l’ai dit ! Castellane, cagoulard fasciste ! Raymond Richard, cagoulard fasciste ! Lydie Bastien, le lien entre tous ces cagoulards fascistes ! Et vous, homme de l’extrême droite ! »
    Le juge frappe contre les murs, comme s’il les giflait tous.
    « Et qui donne l’ordre à Lydie Bastien de monter à Paris pour prendre contact avec Jehan de Castellane ? ! Qui ? Barrès ! Encore Barrès ! Toujours Barrès ! Lui aussi, cagoulard fasciste ! Et pourquoi tout cela ? Pour que la droite de la Résistance s’unisse à Vichy contre les communistes ! L’après-guerre arrive, il faut préparer la suite ! Et la suite doit se faire sans Max ! »
    Le juge se laisse tomber sur sa chaise au moment où trois coups résonnent quelque part, entre murs et plafond. Il ne les entend pas. Il fixe un point devant lui, à hauteur d’homme. Il vocifère. Il maudit René Hardy, Barrès, Castellane, Richard, Lydie Bastien. Il les insulte comme s’ils se trouvaient tous face à lui, ligués, en ordre de bataille. Puis, leur échappant, il quitte la cuisine. Passant devant la porte d’entrée, il entend des pas, des rumeurs, la sonnette, et il fuit vers la chambre, referme le battant, colle son oreille contre le mur et, comme on ne cesse plus de sonner, il s’arc-boute contre une lourde commode, la pousse devant le chambranle et s’enferme ainsi, barricadé pour la nuit. Il tire les rideaux pour ne pas être vu de l’extérieur, protégé par la lune qui lui apparaîtcomme le halo pâle

Weitere Kostenlose Bücher