Les chasseurs de mammouths
fallait. Il tenait, se répétait-il, à se montrer juste envers elle mais, au
plus profond de son cœur, il s’interrogeait : pourrait-il supporter la
flétrissure qui s’attacherait à un amour dévoyé ?
Danug vit l’angoisse de Jondalar. Il tourna vers Wymez un regard
troublé. Wymez se contenta de hocher la tête d’un air entendu. Lui aussi,
naguère, avait aimé une femme d’une étrange beauté, mais Ranec était le fils de
son foyer, et il était grand temps pour lui de se trouver une compagne, pour s’établir
et fonder une famille avec elle.
Ranec conduisit Ayla au Foyer du Renard. Elle le traversait
plusieurs fois chaque jour mais elle s’était toujours soigneusement abstenue d’y
porter des regards curieux. C’était là, au moins, une coutume apprise durant sa
vie avec le Clan qui s’appliquait aussi au Camp du Lion. Dans l’espace ouvert
de l’abri semi-souterrain, l’intimité de chacun ne reposait pas sur des portes
fermées mais sur la considération, le respect, la tolérance mutuels.
— Assieds-toi, dit Ranec.
Il lui désignait une plate-forme de couchage couverte de douces
et somptueuses fourrures. Elle avait maintenant le droit de satisfaire sa
curiosité et elle regarda autour d’elle. Deux hommes partageaient ce foyer,
mais chacun d’eux vivait de son côté du passage central, et leur cadre de vie
trahissait deux tempéraments différents.
De l’autre côté du foyer central, le logement du façonneur d’outils
avait un aspect de simplicité sans apprêt. On voyait une paillasse et quelques
fourrures. La tenture de cuir, accrochée au petit bonheur, semblait ne pas
avoir été détachée depuis des années. Quelques vêtements pendaient à des
chevilles. D’autres s’empilaient le long du mur, derrière la couchette.
L’aire réservée au travail prenait presque toute la place :
on la reconnaissait aux blocs, aux fragments, aux éclats de silex qui
jonchaient le sol autour d’un pied de mammouth qui pouvait servir aussi bien de
siège que d’établi. Divers outils, faits de pierre ou d’os, étaient bien en
évidence sur le rebord de la plate-forme, au pied de la couchette. Les seuls
objets décoratifs étaient une statuette en ivoire de la Mère, placée dans une
niche creusée dans le mur, et, tout près, une ceinture aux ornements compliqués
d’où pendait un pagne fait d’herbes séchées, fanées. Sans avoir besoin de poser
la question, Ayla comprit que le vêtement avait appartenu à la mère de Ranec.
Par contraste, le logis du sculpteur pouvait être qualifié de
somptueux et de bon goût. Ranec était un collectionneur mais il choisissait
avec discernement. Tout était sélectionné avec le plus grand soin, chaque objet
mis en valeur. Les fourrures jetées sur la couchette invitaient le contact des
doigts et le récompensaient par une douceur exceptionnelle. Les rideaux drapés
en plis harmonieux de chaque côté étaient faits de peau de daim veloutée, d’un
brun profond ; ils exhalaient une légère odeur, pas désagréable, due à la
fumée de sapin qui leur avait donné leur couleur. Le sol était recouvert de
nattes tissées d’herbes aromatiques qui formaient des dessins multicolores.
Sur un prolongement de la plate-forme s’alignaient des
corbeilles de tailles et de formes différentes. Les plus grandes contenaient
des vêtements disposés de manière à exposer les motifs décoratifs faits de
perles, de plumes et de fourrure. On voyait dans d’autres corbeilles, ou bien
accrochés à des chevilles, des brassards et des bracelets d’ivoire, des
colliers faits de dents d’animaux, de coquilles de mollusques d’eau de mer ou d’eau
douce, de tubes de calcaire, de grains et de pendeloques d’ivoire, naturel ou
teint, et, surtout, de grains d’ambre. Un grand éclat de défense de mammouth,
gravé d’étranges dessins géométriques, était accroché au mur. Les armes de
chasse elles-mêmes et les vêtements d’extérieur, pendus à des chevilles,
ajoutaient encore à l’harmonie de l’ensemble.
Plus Ayla promenait son regard autour d’elle, plus elle
découvrait d’objets remarquables. Mais ce qui parut vouloir attirer son
attention et la retenir, mis à part les sculptures dispersées dans l’aire de
travail, ce fut une statuette en ivoire de la Mère, superbement exécutée et
placée dans une niche.
Ranec l’observait, suivait la direction de son regard, savait ce
qu’elle voyait. Quand les yeux de la jeune femme
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