Les chasseurs de mammouths
considérait le géant avec inquiétude. Elle était surprise
de voir Nezzie lui manifester si peu de sympathie. Elle aussi s’était réveillée
avec un mal de tête et un estomac un peu barbouillé. Était-ce la faute de la
bouza ? Ce breuvage que tout le monde appréciait, semblait-il ?
Whinney releva la tête, hennit en sourdine et heurta de la
croupe la jeune femme. La glace sur la robe des chevaux ne leur faisait pas de
mal : c’était seulement un fardeau quand elle s’amoncelait en trop grande
quantité. Mais ils aimaient qu’on les étrille, qu’on les soigne, et la jument
avait remarqué qu’Ayla, perdue dans ses pensées, s’était immobilisée.
— Whinney, c’est assez. Tu veux qu’on s’occupe de toi,
hein ?
Elle usait du style de communication qu’elle employait
généralement avec la bête.
Latie l’avait déjà entendue s’exprimer ainsi. Elle n’en fut pas
moins frappée quand Ayla émit une imitation parfaite du hennissement de la
jument. Elle remarquait en même temps le langage par signes, maintenant qu’elle
s’y était plus ou moins accoutumée. Néanmoins, elle n’était pas bien sûre de
comprendre les gestes.
— Tu sais parler aux chevaux ! s’exclama-t-elle.
— Whinney est amie, dit Ayla. Longtemps, seule amie.
Elle flatta la jument, examina la robe du poulain, le flatta à
son tour.
— Je crois assez étrillé. Maintenant, allons chercher
lance-sagaies et entraîner.
Elles rentrèrent dans l’habitation et, en chemin vers le
quatrième foyer, passèrent devant Talut qui faisait une tête pitoyable. Ayla
prit son propulseur et une poignée de flèches. Au moment où elle repartait,
elle remarqua le reste de tisane d’achillée qu’elle s’était préparée le matin
pour apaiser son mal de tête. L’ombelle [4] et les feuilles plumeuses de la plante restaient accrochées à la tige mais
elles étaient desséchées. Le soleil et la pluie avaient dépouillé l’achillée,
aromatique et très parfumée quand elle était fraîche, d’une partie de ses
propriétés. Mais Ayla se rappela qu’elle en avait préparé et fait sécher
quelque temps avant. Mêlée à de l’écorce de saule, elle guérissait aussi bien
les nausées que les maux de tête.
Peut-être serait-ce bon pour Talut, se dit-elle. Mais le remède
à base d’ergot de seigle qu’elle préparait contre les migraines les plus
tenaces serait sans doute plus efficace.
— Bois ça, Talut, dit-elle avant de sortir.
Avec un faible sourire, il prit la coupe qu’elle lui tendait, la
vida d’un trait. Il ne s’attendait guère à en éprouver un véritable soulagement
mais il était heureux d’une sympathie que personne d’autre ne paraissait
disposé à lui offrir.
La femme et la jeune fille gravirent ensemble la pente et se
dirigèrent vers la piste en terre battue où s’était déroulée la compétition. En
arrivant sur le plateau, elles virent les quatre hommes qui les avaient
devancées s’entraîner à l’une des extrémités. Elles prirent la direction
opposée, suivies par Whinney et Rapide. Latie sourit au poulain d’un brun
sombre lorsqu’il la salua d’un petit hennissement en secouant la tête. Après
quoi, il se mit à paître près de sa mère, tandis qu’Ayla montrait à Latie
comment on lançait une sagaie.
— Regarde, commença-t-elle.
Elle tenait en position horizontale l’étroit instrument de bois
d’à peu près deux pieds de long. Elle passa ensuite deux doigts de sa main
droite dans les boucles de cuir.
— Place sagaie, poursuivit-elle.
Elle disposa le manche de la sagaie, qui devait avoir six pieds
de long, dans la rainure creusée sur toute la longueur du propulseur. Elle
introduisit le crochet à l’extérieur de l’arme, en prenant soin de ne pas
écraser l’empennage. Ensuite, elle assura la sagaie et tira. La longue
extrémité mobile du propulseur se souleva, apportant plus de longueur et
exerçant la puissance d’un levier. La sagaie se trouva projetée avec une force
et une vitesse exceptionnelles. Ayla passa le propulseur à Latie.
— Comme ça ? demanda la jeune fille, en imitant les
gestes d’Ayla. Le manche de la sagaie se place dans cette rainure, je passe les
doigts dans les boucles pour tenir l’appareil et j’appuie l’extrémité du manche
contre ceci.
— Bien. Maintenant, lance.
La sagaie parcourut une bonne distance.
— Ce n’est pas si difficile, déclara Latie, satisfaite.
— Non, pas difficile
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