Les chasseurs de mammouths
lancer, approuva Ayla. Difficile faire
aller sagaie où tu veux.
— Difficile de bien viser, tu veux dire. Comme pour faire
passer une flèche dans le cerceau.
La jeune femme sourit.
— Oui. Faut entraînement pour faire passer flèche dans
cerceau... passer dans le cerceau.
Elle venait de voir Frébec arriver, pour découvrir ce que
faisaient les hommes, et, soudain, elle s’était rendue compte qu’elle ne
parlait toujours pas correctement. Elle aussi avait besoin de pratique, se
dit-elle. Mais quelle importance ? Elle n’allait pas rester là.
Latie continuait à s’entraîner sous la direction d’Ayla. Toutes
deux, totalement absorbées dans leur activité, ne s’aperçurent pas que les
hommes s’étaient interrompus pour s’approcher d’elles et les observer.
— Bien, Latie ! cria Jondalar à la jeune fille, qui
venait d’atteindre le but. Tu pourrais bien devenir meilleure que tous les
autres ! Ces deux garçons, je crois, en ont assez : ils préfèrent
venir voir comment tu t’en tires.
Danug et Druwez semblaient mal à l’aise : il y avait du
vrai dans la plaisanterie de Jondalar. Mais Latie arborait un sourire radieux.
— Je veux devenir la meilleure. Je m’entraînerai pour ça,
déclara-telle.
Tous décidèrent bientôt que c’était assez pour la journée et se
remirent en route vers le Camp. Au moment où ils approchaient de la voûte d’entrée,
Talut émergea en trombe.
— Ayla ! Te voilà ! Qu’y avait-il dans ce
breuvage que tu m’as fait boire ? demanda-t-il.
Il marchait sur elle. Elle eut un mouvement de recul.
— De l’achillée, avec de la luzerne et quelques feuilles de
framboisier et...
— Nezzie ! Tu entends ça ? Demande-lui la
recette. Sa tisane a dissipé mon mal de tête ! Je me sens un homme
nouveau.
Il regarda autour de lui.
— Nezzie !
— Elle est descendue à la rivière avec Rydag, dit Tulie. Il
avait l’air fatigué, ce matin, et Nezzie n’était pas d’accord pour qu’il aille
aussi loin. Mais il a dit qu’il voulait l’accompagner... ou peut-être qu’il
voulait rester avec elle... je n’ai pas bien compris le signe. J’ai promis à
Nezzie de descendre la rejoindre, pour l’aider à le porter en remontant, ou
bien à porter l’eau. J’allais partir.
Pour plus d’une raison, les propos de Tulie retinrent l’attention
d’Ayla. Elle se sentait inquiète pour l’enfant mais, par ailleurs, elle
discernait chez Tulie un changement d’attitude à son égard. Pour elle, il était
maintenant « Rydag », pas simplement « le petit », et elle
parlait de ce qu’il avait dit. Il était devenu à ses yeux un être humain.
— Ah...
Talut hésita, un instant surpris de ne pas trouver Nezzie dans
son entourage immédiat. Mais il se reprit, confus, et émit un petit rire.
— Tu m’apprendras à faire cette tisane, Ayla ?
— Oui, répondit-elle. Volontiers.
Il parut ravi.
— S’il faut que je fasse la bouza, il faut que j’aie un
remède pour le lendemain matin.
Ayla sourit. En dépit de sa taille et de sa carrure, le géant
qui dirigeait le Camp inspirait l’affection. Certes, elle n’en doutait pas, il
devait pouvoir se montrer redoutable sous l’effet de la colère. Sa vigueur n’avait
d’égale que son agilité et sa rapidité, et il ne manquait sûrement pas d’intelligence,
mais il y avait en lui une certaine douceur. Il résistait à la colère. Il se
montrait tout disposé à plaisanter aux dépens de quelqu’un d’autre mais il
était tout aussi souvent prêt à tourner en ridicule ses propres faiblesses. Il
réglait les problèmes de son peuple avec une sincère sollicitude, et sa
compassion s’étendait au-delà de son propre camp.
Tout à coup, des lamentations aiguës attirèrent l’attention vers
la rivière. Au premier cri, Ayla s’engagea en courant sur la pente. Plusieurs
personnes la suivirent. Nezzie, agenouillée près d’un petit corps, hurlait son
angoisse. Debout près d’elle, Tulie semblait affolée, désemparée. Ayla, en
arrivant, vit que Rydag était sans connaissance.
— Nezzie ? fit-elle.
L’expression de son visage demandait ce qui s’était passé.
— Nous remontions la pente, expliqua Nezzie. Il a commencé
à avoir du mal à respirer. J’ai décidé que je ferais bien de le porter. Mais,
au moment où je posais mon outre par terre, je l’ai entendu pousser un cri de
douleur. Quand je l’ai regardé, il était couché là, dans cet
Weitere Kostenlose Bücher