Les chasseurs de mammouths
cadence qui,
étrangement, eut pour effet de dissiper quelque peu la tension d’Ayla. Le chant
de guérison fut aussitôt repris par l’ensemble du Camp : les gens, eux
aussi, se détendaient sous l’impression qu’ils contribuaient à soulager le
petit malade. Tornec et Deegie se mirent à jouer sur leurs instruments. Ranec
apparut, avec des anneaux d’ivoire qui s’entrechoquaient. La musique produite
par les tambours, le chant et les anneaux n’était pas trop puissante : c’était
plutôt une sorte de pulsation douce et apaisante.
L’eau se mit enfin à bouillir. Ayla versa au creux de sa paume
une petite quantité de feuilles séchées de digitale, en aspergea la surface de
l’eau. Elle attendit un moment, pour les laisser infuser, tout en s’efforçant
de garder son calme. Finalement, la couleur et sa propre intuition lui dirent
que l’infusion était à point. Elle en versa un peu dans une coupe. Après quoi,
elle prit la tête de Rydag sur ses genoux, ferma un instant les yeux. Ce remède
ne devait pas s’utiliser à la légère. Une dose trop forte tuerait l’enfant, et
la force contenue dans les feuilles de chaque plante était variable.
Elle rouvrit les paupières, rencontra le regard de deux yeux d’un
bleu éclatant, pleins d’amour. Elle accorda à Jondalar un rapide sourire de
gratitude. Elle porta la coupe à ses lèvres, y trempa le bout de la langue pour
éprouver la force de la préparation. Enfin, elle amena le breuvage amer aux
lèvres du malade.
Rydag s’étrangla sur la première gorgée, ce qui dissipa quelque
peu son apathie. Il reconnut Ayla, essaya de lui sourire, mais le sourire se
changea en grimace de douleur. Elle le fit boire de nouveau, lentement, tout en
surveillant étroitement ses réactions : les changements dans la
température et la couleur de sa peau, les mouvements de ses yeux, le rythme et
la profondeur de sa respiration. Les membres du Camp du Lion l’observaient, eux
aussi, avec inquiétude. Ils n’avaient pas compris l’importance que l’enfant
avait prise pour eux jusqu’au moment où sa vie s’était trouvée menacée. Il
avait grandi parmi eux, il était l’un d’entre eux, et, récemment, ils en
étaient venus à s’apercevoir qu’il n’était pas tellement différent d’eux.
Ayla ne sut jamais précisément quand se turent le chant et la
cadence des tambours, mais le bruit étouffé que fit Rydag en prenant une longue
inspiration résonna comme une clameur de victoire dans le silence absolu,
chargé de tension, de l’habitation.
L’enfant prit une seconde inspiration profonde. Ayla remarqua
sur ses joues une légère teinte rosée, et son appréhension s’atténua un peu. La
musique reprit sur un rythme différent, un enfant cria, des voix murmurèrent.
La jeune femme posa la coupe, vérifia les pulsations du sang au cou de Rydag,
lui palpa la poitrine. Il respirait plus aisément, moins douloureusement. Elle
releva la tête. Nezzie, les yeux pleins de larmes, lui souriait. Elle n’était
pas la seule.
Ayla retint l’enfant contre elle jusqu’au moment où elle eut la
certitude qu’il se sentait mieux. Elle le retint ensuite parce qu’elle en avait
envie. Si elle fermait à demi les paupières, elle parvenait presque à oublier
les habitants du Camp. Elle pouvait presque imaginer que cet enfant, qui
ressemblait tant à son fils, était bel et bien celui auquel elle avait donné le
jour. Les larmes qui lui souillaient les joues, elle les versait à la fois pour
elle-même, pour le fils qu’elle aurait tant voulu revoir et pour l’enfant
blotti dans ses bras.
Rydag finit par sombrer dans le sommeil. L’épreuve l’avait
épuisé, comme elle avait épuisé la jeune femme. Talut le prit dans ses bras,
pour le porter jusqu’à son lit. Jondalar aida Ayla à se relever. Il l’étreignit
tandis qu’elle s’abandonnait entre ses bras, à bout de forces.
Dans les yeux de la plupart des membres du Camp brillaient des
larmes de soulagement, mais il était difficile de trouver les paroles appropriées.
Ils ne savaient que dire à la jeune femme qui avait sauvé l’enfant. Ils lui
souriaient, lui offraient des signes d’approbation, quelques commentaires
murmurés, rien de plus. C’était bien suffisant pour Ayla. A ce moment, elle se
serait sentie mal à l’aise si on l’avait accablée de trop de gratitude, de trop
de louanges.
Après s’être assurée que Rydag reposait confortablement, Nezzie
revint parler à
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