Les chasseurs de mammouths
utilisant
la peau entière d’un seul animal. Plutôt que de fendre l’abdomen de la loutre,
ce qui était la manière habituelle de dépouiller une bête, on lui avait
seulement ouvert la gorge, en laissant la tête encore attachée par-derrière par
une bande de peau. On avait sorti par la gorge les entrailles et les os, on
avait vidé le crâne, de sorte qu’il s’était un peu affaissé. La peau, alors,
avait été salée. On avait pratiqué des trous à intervalles réguliers autour du
cou avec une alêne de silex pour y enfiler une lanière qui permettait de fermer
l’orifice. Le résultat était un sac en fourrure de loutre, lisse et
imperméable. La queue et les pattes demeuraient intactes, la tête servait de
rabat.
Mamut lui rendit l’objet.
— C’est toi qui l’as fait ?
— Non. Iza fait. Elle était guérisseuse du Clan de Brun.
Ma... mère. Elle m’apprend, depuis petite fille, où plantes poussent, comment
faire remèdes, comment utiliser. Était malade, pas possible aller Rassemblement
du Clan. Brun besoin guérisseuse. Uba trop jeune. Je suis la seule.
Mamut hocha la tête pour marquer sa compréhension, avant de lui
lancer un regard pénétrant.
— Quel est le nom que tu viens de dire ?
— Ma mère ? Iza ?
— Non, l’autre.
Ayla réfléchit un instant.
— Uba ?
— Qui est Uba ?
— Uba est... sœur. Pas sœur véritable mais comme sœur pour moi.
Fille d’Iza. Maintenant, est guérisseuse... et mère de...
— Est-ce un nom répandu ? interrompit Mamut, d’une
voix où perçait une teinte de surexcitation.
— Non... crois pas... Creb donne nom à Uba. Mère de mère d’Iza
a même nom. Creb et Iza, même mère.
— Creb ! Dis-moi, Ayla, ce Creb avait-il un bras qui
ne fonctionnait pas et marchait-il en boitant ?
— Oui, répondit Ayla, intriguée.
Comment Mamut pouvait-il connaître ces détails ?
— Y avait-il un autre frère ? Plus jeune, mais
vigoureux et en bonne santé ?
Ayla se rembrunit sous le flot de questions de Mamut.
— Oui. Brun. Était chef.
— Grande Mère ! Je ne peux y croire ! Je
comprends, maintenant.
— Moi, comprends pas.
— Ayla, viens t’asseoir. Je veux te conter une histoire.
Il l’emmena jusqu’au foyer. Il s’assit au bord de la
plate-forme, tandis qu’elle s’installait sur une natte posée sur le sol et
levait vers lui des yeux emplis d’attente.
— Un jour, il y a bien des années, quand j’étais encore un
tout jeune homme, j’ai connu une aventure qui a transformé ma vie, commença
Mamut.
Ayla sentit soudain un étrange frisson courir à fleur de peau.
Elle avait l’impression de savoir déjà ce qu’allait dire le chaman.
— Manuv et moi, nous sommes du même Camp. L’homme que sa
mère avait choisi pour compagnon était mon cousin. Nous avons grandi ensemble
et, comme le font tous les jeunes gens, nous parlions de faire ensemble un
Voyage. Mais, dans l’été où nous devions partir, il tomba malade. Gravement
malade. J’avais hâte de partir : nous faisions des plans pour ce voyage
depuis des années. J’espérais sans cesse qu’il allait se rétablir, mais la
maladie ne cédait pas. Finalement, alors que l’été finissait, j’ai décidé de
faire seul le grand Voyage. Tout le monde me le déconseillait, mais je ne
tenais plus en place.
« Nous avions prévu de contourner la mer de Beran et de
suivre ensuite la côte au levant de la mer du Sud, comme l’a fait Wymez. Mais
il était déjà si tard dans la saison que j’ai préféré prendre un raccourci, à
travers la péninsule, pour rejoindre ensuite les montagnes.
Ayla hocha la tête. Le Clan de Brun avait emprunté cette route
pour se rendre au Rassemblement du Clan.
— Je n’ai confié mes projets à personne. C’était le
territoire des Têtes Plates, et je savais que je me heurterais à de nombreuses
objections. Je pensais qu’avec de la prudence, je pourrais éviter tout contact
mais je n’avais pas envisagé l’accident. A présent encore, je ne sais trop
comment c’est arrivé. Je longeais la rive très haute d’un cours d’eau, presque
une falaise, et, tout à coup, j’ai glissé, je suis tombé. J’ai dû rester
inconscient un long moment. Quand j’ai repris mes sens, c’était la fin de l’après-midi.
J’avais la tête douloureuse, les idées assez confuses, mais le pire, c’était
mon bras. L’os était disloqué, brisé, et je souffrais beaucoup.
« J’ai repris
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