Les chasseurs de mammouths
de ma mère. Elle était le chef de la
Neuvième Caverne, et je l’avais déshonorée. Toute la Caverne était en
effervescence.
— Qu’a fait ta mère ? demanda Ayla.
— Elle a fait ce qu’elle devait. Ladroman avait beaucoup
souffert. Il avait perdu plusieurs dents. On a alors plus de mal à mastiquer,
et les femmes ne sont pas attirées par un homme édenté. Ma mère a dû payer pour
moi une importante indemnité et, sur les instances de la mère de Ladroman, elle
a accepté de m’envoyer au loin.
Il s’interrompit, ferma les yeux, le front contracté sous le
coup d’une ancienne souffrance.
— Cette nuit-là, j’ai pleuré. Manifestement, cet aveu lui
coûtait.
— Je ne savais pas où je serais envoyé. J’ignorais que ma
mère avait dépêché un messager à Dalanar pour lui demander de m’accueillir.
Il reprit haleine, poursuivit :
— Zolena est partie avant moi. Elle avait toujours été
attirée vers la Zélandonia et elle est allée rejoindre Ceux Qui Servent la
Mère. J’ai songé à en faire autant, moi aussi, peut-être en qualité de
sculpteur : je me croyais alors doué pour ce métier. Mais la réponse de
Dalanar est arrivée et, tout de suite après, Willomar m’a emmené chez les Lanzadonii.
Je ne connaissais pas vraiment Dalanar. Il était parti quand j’étais encore
très jeune, et je le rencontrais seulement aux Réunions d’Été. Je ne savais pas
à quoi m’attendre, mais Marthona avait choisi la bonne solution.
Une fois encore, Jondalar se tut, il se tassa sur lui-même près
du feu. Il ramassa une branche sèche, la posa sur les flammes.
— Avant mon départ, les gens m’évitaient, se répandaient en
injures contre moi, reprit-il. Certains écartaient leurs enfants de mon chemin
pour les soustraire à mon influence impure, comme si un seul regard jeté sur
moi pouvait les corrompre. Je sais que j’avais mérité ce traitement : ce
que nous avions fait était terrible. Mais j’avais envie de mourir.
Silencieuse, Ayla l’observait, attendait la suite. Elle ne
comprenait pas tout à fait les coutumes dont il parlait mais elle souffrait
pour lui avec une sympathie née de sa propre souffrance. Elle aussi avait
enfreint certains tabous et en avait payé les cruelles conséquences mais elle
en avait tiré un enseignement. Peut-être parce que, dès l’origine, elle était
très différente des autres, elle avait appris à se demander si ce qu’elle avait
fait était vraiment si grave. Elle en était venue à comprendre qu’il n’était
pas mal de sa part de vouloir chasser, à la fronde, à l’épieu, avec n’importe
quelle arme, tout bonnement parce que, pour le clan, les femmes n’avaient pas
le droit de chasser. Elle ne s’en voulait pas de s’être opposée à Broud au
mépris de toutes les traditions.
— Jondalar, dit-elle, emplie de compassion.
Elle regardait sa tête baissée dans une attitude de
découragement et de remords.
— Tu as commis une grave faute en battant si durement cet
homme... Il approuva d’un signe de tête.
— ... Mais qu’aviez-vous fait de si coupable, Zolena et
toi ? La question le surprit, il se redressa.
Il s’était attendu au dédain, à la dérision, à la sorte de
mépris qu’il éprouvait pour lui-même.
— Tu ne comprends pas. Zolena était ma donii. Nous avons
déshonoré la Mère, nous L’avons offensée. C’était une chose honteuse.
— Qu’y avait-il de honteux ? Je ne sais toujours pas
ce que tu as fait de si mal.
— Ayla, quand une femme assume cet aspect de la Mère pour
initier un jeune homme, elle prend une importante responsabilité. Elle le
prépare à la virilité, elle lui enseigne à créer une femme. Doni a confié à l’homme
la responsabilité d’ouvrir une femme, de la préparer à accepter les esprits
venus de la Grande Terre Mère, afin que la femme puisse devenir une mère. C’est
un devoir sacré. Ce n’est pas une relation banale, quotidienne, que chacun peut
nouer à tout moment. On ne peut pas la prendre à la légère, expliqua Jondalar.
— L’avais-tu prise à la légère ?
— Non. Bien sûr que non !
— Alors, qu’as-tu fait de mal ?
— J’ai profané un rite sacré. Je suis tombé amoureux...
— Tu es tombé amoureux. Et Zolena en a fait autant.
Pourquoi serait-ce mal ? De tels sentiments ne te remplissent-ils pas de
chaleur, de bien-être ? Tu n’avais rien prémédité. C’est arrivé, voilà
tout. N’est-il pas naturel
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