Les chasseurs de mammouths
géant. Regardez cette neige ! Molle en dessous, fondante
par-dessus. Si nous avons un bon gel, elle va avoir une croûte de glace. Les
bêtes ne bougent plus, dans ces conditions-là. Oui, je crois que ce serait une
bonne idée.
Tout le monde s’était approché du trou à feu, où une grande
peau, emplie de l’eau glacée de la rivière, avait été disposée sur un bâti
au-dessus des flammes. Elle devait simplement aider à faire fondre la neige qu’on
y déversait. A mesure que celle-ci fondait, on en remplissait des corbeilles
étanches qu’on allait déverser dans une autre peau, tachée, sale, qui tapissait
une cuvette creusée dans la terre. On y ajoutait la terre particulière
rapportée de la berge de la rivière et l’on mélangeait l’une et l’autre pour
former une épaisse crème argileuse, collante.
Plusieurs personnes grimpèrent sur le toit avec des paniers de
cette boue fine et, à l’aide de pelles creuses, entreprirent de la verser sur
la couche de terre. Après les avoir observés un moment, Jondalar et Ayla se
joignirent aux autres. D’autres, en bas, étalaient la mixture pour veiller à ce
que la surface entière fût recouverte d’une couche épaisse.
L’argile, visqueuse et résistante, n’absorberait pas la pluie.
Elle était imperméable. Ni l’eau, ni la neige fondue ne pourraient y pénétrer.
Encore humide, elle possédait déjà cette qualité. Une fois sèche, au bout d’un
certain temps, la surface durcissait, et l’on s’en servait souvent pour y
entreposer des instruments, des objets divers. Lorsqu’il faisait beau, c’était
un endroit où flâner, se réunir, se lancer dans des discussions volubiles ou
bien s’asseoir tranquillement pour méditer. Les enfants y grimpaient quand
arrivaient des visiteurs, afin de voir ce qui se passait sans encombrer
personne, et tout le monde venait s’y percher lorsqu’il y avait quelque chose à
voir.
Ayla porta jusqu’en haut une lourde corbeille, en renversa un
peu partout et sur elle-même en particulier. C’était sans importance :
elle était déjà couverte de boue, comme tout le monde. Deegie avait
raison : c’était une besogne salissante. Quand ils eurent couvert les
côtés, ils s’attaquèrent au sommet, mais, à mesure que la surface du dôme était
enduite de boue glissante, il devenait difficile de s’y maintenir.
La jeune femme déversa ce qui restait dans sa corbeille, regarda
l’argile glisser lentement. Elle se retourna pour partir, sans regarder
prudemment où elle posait les pieds. L’instant d’après, elle perdait l’équilibre.
Elle s’affaissa dans l’argile liquide qu’elle venait de verser, patina, glissa
sur la courbe du toit, tomba avec un cri involontaire.
Au moment où elle atteignait le sol, elle se retrouva entre deux
bras vigoureux et, surprise, vit le visage rieur, constellé de taches de boue,
de Ranec.
— C’est une façon comme une autre d’étaler l’argile,
fit-il.
Il l’avait remise sur ses pieds, et elle tentait de reprendre
son sang-froid. Sans la lâcher, il ajouta :
— Si vous tenez à recommencer, je vous attends ici.
Elle sentait comme une brûlure sur la peau fraîche de son bras,
là où il avait posé sa main. Elle était tout entière consciente du corps
masculin qui se pressait contre le sien. Les yeux sombres de Ranec, profonds et
brillants, exprimaient un désir qui éveillait une réaction au plus profond de
sa féminité. Elle tremblait légèrement. Son visage s’empourpra. Elle baissa les
yeux, s’écarta de Ranec.
Un coup d’œil vers Jondalar lui apporta la confirmation de ce qu’elle
s’attendait à voir. Il était furieux. Ses poings se serraient, ses tempes
battaient. Vivement, elle détourna le regard. Elle comprenait maintenant un peu
mieux sa colère : c’était une expression de sa peur – peur de la
perdre, peur d’être rejeté. Elle n’en était pas moins quelque peu irritée par
sa réaction. Ce n’était pas sa faute si elle avait glissé, et elle était
reconnaissante à Ranec de s’être trouvé là pour la rattraper. Elle rougit de
nouveau, au souvenir de la manière dont elle avait réagi à son contact. Mais
cela non plus, ce n’était pas sa faute.
— Viens, Ayla, appela Deegie. Talut dit que c’est assez, et
les étuves sont chaudes. Allons-nous débarrasser de toute cette boue et nous
préparer pour la fête. Elle est donnée pour toi.
Les deux jeunes femmes pénétrèrent dans l’habitation
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