Les chasseurs de mammouths
engoncé. Comme les autres, il remarqua la souplesse de ses peaux
mais il ne dit rien, et son accolade fut distante.
Fralie donna à Ayla des moufles assorties aux bottes. Elle reçut
en retour un magnifique bassin de bois pour faire la cuisine, garni d’un sac
empli de feuilles sèches.
— Tisane te plaira, j’espère, Fralie, dit Ayla.
Elle regardait la jeune femme bien en face, comme pour souligner
ses paroles.
— Est bon boire coupe le matin au réveil, et peut-être
autre le soir, avant sommeil. Si tu aimes, donnerai autres feuilles quand
celles-là finies.
Fralie hocha la tête. Elles s’étreignirent. Frébec les
observait, soupçonneux, mais Fralie recevait simplement un cadeau de la
dernière en date des membres du Camp du Lion, et il ne pouvait guère s’en
plaindre. Ayla, de son côté, n’était pas entièrement satisfaite des
circonstances. Elle aurait préféré soigner Fralie ouvertement, mais user de ce
subterfuge valait mieux que ne pas l’aider du tout, et Fralie refusait de se
trouver placée dans une situation où il pourrait apparaître qu’elle faisait un
choix entre sa mère et son compagnon.
Crozie s’avança ensuite. Elle adressa un signe d’approbation à
la jeune femme, lui tendit un petit sac de cuir en forme de bourse. Il était
teint en rouge, habilement décoré de petites perles d’ivoire et de broderies
blanches en triangles pointés vers le bas. Des petites plumes de grues blanches
étaient attachées tout autour du fond circulaire. Ayla l’admira ouvertement,
mais, voyant qu’elle ne faisait pas un geste pour ouvrir la bourse, Deegie lui
conseilla de le faire. A l’intérieur se trouvaient des cordons et des fils,
faits de poils de mammouth, de tendons de fourrures et de fibres végétales.
Tous étaient enroulés avec soin autour de petites phalanges d’os. Le sac
contenait aussi des lames tranchantes et des perçoirs. Ayla était enchantée.
Elle voulait apprendre la manière dont s’y prenaient les Mamutoï pour coudre
des vêtements et les orner.
Elle alla prendre sur sa plate-forme un petit bol de bois muni d’un
couvercle bien ajusté et le tendit à la vieille femme. Crozie, après l’avoir
ouvert, regarda Ayla d’un air intrigué. Le bol était plein d’une matière grasse
d’un blanc pur, marbré – une graisse animale, sans saveur, sans
odeur, sans couleur, qui avait été clarifiée dans l’eau bouillante. Crozie la
huma et sourit mais elle demeurait perplexe.
— Je fais eau de rose... avec pétales, tenta d’expliquer
Ayla. Mélange avec... autres choses.
— C’est ce qui lui donne ce parfum agréable, sans doute,
mais à quoi ça sert-il ?
— Est pour mains, visage, coudes, pieds. Fait sentir bien.
Adoucit. La jeune femme prit un peu du produit, en frictionna le dos de la
vieille main desséchée, ridée, gercée. Crozie toucha sa main avant de fermer
les yeux pour caresser du bout des doigts la peau plus douce. La vieille mégère
rouvrit les paupières et Ayla crut voir ses prunelles briller d’un éclat
nouveau. Il n’y avait cependant aucune trace de larmes. Mais, quand la vieille
femme la serra contre elle, elle la sentit trembler de tout son corps.
Chaque échange de cadeaux augmentait l’impatience de l’assemblée
à voir les autres. Ayla prenait plaisir à donner autant qu’à recevoir. Jamais
elle ne s’était sentie aussi comblée, entourée, désirée. Si elle se laissait
aller à y penser, des larmes de joie lui montaient aux yeux.
Ranec se tenait à l’écart : il attendait la fin des
échanges. Il voulait être le dernier, pour que son présent ne risquât pas de se
confondre avec les autres. Parmi tous les cadeaux recherchés, uniques, qu’elle
aurait reçus, il voulait que le sien fût mémorable. Ayla mettait de l’ordre sur
la plate-forme, aussi encombrée qu’au début de la distribution, lorsqu’elle
remarqua le cadeau préparé pour Ranec. Elle dut réfléchir un instant avant de
comprendre qu’elle n’avait toujours pas échangé de présents avec lui. Elle prit
l’objet entre ses mains, se retourna pour chercher du regard l’homme à la peau
sombre et se trouva en face de son sourire taquin.
— N’as-tu pas préparé de cadeau pour moi ?
demanda-t-il.
Il était si près d’elle qu’elle voyait ses larges pupilles
noires et, dans le brun sombre de ses prunelles, d’imperceptibles rayons
lumineux. Elle sentait émaner de lui une chaleur qui la déconcertait.
— Non...
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