Les chasseurs de mammouths
envie de dresser le jeune poulain et curieuse du résultat qu’il
pourrait obtenir.
— Je vais te les chercher, elles sont à l’intérieur.
Il franchit derrière elle l’arche qui ouvrait sur le Foyer du
Mammouth. Mais, au moment où elle se dirigeait vers la plate-forme, il s’immobilisa
tout à coup. Ranec s’entretenait avec Deegie et Tronie et se retourna pour
adresser à la jeune femme son séduisant sourire. Jondalar sentit son estomac se
crisper, il ferma les yeux, serra les dents. Il fit un mouvement de recul. A ce
moment, Ayla se retourna pour lui tendre un étroit rouleau de cuir souple.
— C’est très solide, lui dit-elle. Je l’ai fait l’hiver
dernier.
Elle levait les yeux vers le regard bleu qui révélait la
souffrance, la confusion, l’incertitude qui le torturaient.
— C’était avant ton arrivée dans ma vallée, Jondalar. Avant
que l’Esprit du Grand Lion des Cavernes t’eût choisi et conduit vers moi.
Il prit le rouleau, sortit en toute hâte. Il lui était
impossible de rester. Toutes les fois que le sculpteur venait au Foyer du
Mammouth, il lui fallait partir. Il ne pouvait se trouver dans les parages
quand Ayla et l’homme à la peau sombre étaient ensemble, ce qui se produisait
plus fréquemment depuis quelque temps. Quand les jeunes gens du Camp se
réunissaient dans l’espace plus vaste consacré aux cérémonies, afin d’y
travailler plus à l’aise, afin d’échanger leurs idées, leurs méthodes. Il les
avait observés de loin. Il les entendait faire de la musique, chanter, il
écoutait leurs plaisanteries, leurs rires. Et, toutes les fois qu’il entendait
le rire d’Ayla se mêler à celui de Ranec, il ne pouvait retenir une grimace
douloureuse.
Jondalar posa sur le sol le rouleau de lanières de cuir près du
licou de Rapide. Il décrocha sa pelisse et sortit, avec un morne sourire à l’adresse
de Danug, au passage. Il enfila le vêtement, ramena étroitement le capuchon sur
sa tête, fourra les mains dans les moufles qui sortaient des manches, avant de
gravir la pente qui menait aux steppes.
Le vent fort qui promenait à travers le ciel son fardeau gris
était normal pour la saison. Le soleil brillait mais il ne paraissait guère
avoir d’effet sur la température qui demeurait stable, bien au-dessous du point
où l’eau gelait. La couche de neige était mince. L’air sec crépitait autour de
Jondalar, volait l’humidité de ses poumons dans les nuages de vapeur qu’il
exhalait avec chaque souffle. Il n’allait pas rester bien longtemps dehors,
mais ce froid le calmait en exigeant de lui avec insistance qu’il plaçât sa
survie au-dessus de toute autre considération. Il ignorait pourquoi Ranec
provoquait chez lui une réaction aussi violente. Sans doute était-ce dû en
partie à sa peur de devoir lui abandonner Ayla, en partie aussi à son
imagination qui les lui représentait ensemble. Mais il éprouvait aussi un sentiment
de culpabilité lancinant, parce qu’il hésitait encore à accepter Ayla
entièrement, sans réserve. Une partie de lui-même jugeait que Ranec la méritait
plus que lui. Mais un fait au moins semblait sûr : c’était à lui, et non
pas à Ranec, que la jeune femme faisait confiance pour essayer de monter
Rapide.
Après avoir regardé son ami aborder la montée, Danug laissa
retomber le rabat, revint lentement dans l’abri. Au passage du jeune homme,
Rapide hennit, encensa. Danug regarda le cheval et sourit. Presque tout le
monde à présent, semblait accepter avec plaisir la présence des animaux ;
on les caressait, on leur parlait, même si ce n’était pas avec la familiarité d’Ayla.
Il paraissait tout naturel d’avoir des chevaux dans le nouvel abri. Comme il
était facile d’oublier la stupeur, l’émerveillement qu’il avait ressentis, la
première fois qu’il les avait vus. Il franchit la seconde voûte, vit Ayla
debout près de sa plate-forme. Après une hésitation, il s’approcha d’elle.
— Il est allé marcher sur les steppes, dit-il à la jeune
femme. Ce n’est pas bien prudent de sortir seul quand il fait froid, qu’il y a
du vent, mais le temps est moins mauvais aujourd’hui qu’il ne l’est parfois.
— Essaies-tu de me dire qu’il ne lui arrivera rien,
Danug ?
Elle lui souriait. Un instant, il se sentit stupide. Jondalar
reviendrait sain et sauf, naturellement. Il avait fait de longs Voyages, il
était très capable de se tirer d’affaire.
— Merci, ajouta Ayla,
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