Les chasseurs de mammouths
certains
remèdes très puissants n’ont presque pas d’odeur. On les mélange avec les
feuilles très odorantes d’une plante qui n’a pas beaucoup d’effet en médecine,
pour ne pas faire d’erreur. Différentes cordelettes, différents nœuds,
différentes odeurs, parfois différents paquets... ce sont des signes pour se
souvenir, n’est-ce pas ?
— C’est ingénieux... très ingénieux, dit Mamut. Oui, ce
sont des signes pour se souvenir. Mais tu dois encore te souvenir des
cordelettes et des nœuds pour chacun, n’est-ce pas ? Néanmoins, c’est un
bon moyen de t’assurer que tu utilises le remède qui convient.
Ayla était allongée, les yeux grands ouverts, mais elle
restait immobile. Dans l’obscurité luisaient seulement les braises des feux
couverts. Jondalar grimpa dans leur lit, s’efforça de se faire le plus discret
possible pour passer au-dessus d’elle. Elle avait un jour pensé prendre la
place le long du mur, mais y avait renoncé. Elle ne tenait pas à ce qu’il pût
se glisser dans le lit ou en sortir plus aisément. Il s’enroula dans ses
fourrures personnelles et, couché sur le côté, tourné vers le mur, ne bougea
plus. Il ne s’endormait pas rapidement, elle le savait, et elle mourait d’envie
de tendre la main, de le toucher. Mais elle avait déjà essuyé plusieurs
rebuffades et ne voulait plus s’y hasarder. Elle avait trop mal quand il lui
disait qu’il était fatigué, quand il faisait mine de dormir, quand il n’avait
aucune réaction.
Le bruit de la respiration d’Ayla indiqua enfin à Jondalar qu’elle
avait trouvé le sommeil. Il attendait ce moment. Doucement, il se retourna, se
redressa sur un coude et put rassasier son regard de la vue de la jeune femme.
Sa chevelure en désordre était répandue sur les fourrures. Un bras, rejeté à l’extérieur,
dénudait un sein. Une douce chaleur, un léger parfum féminin émanaient d’elle.
Jondalar se sentait trembler du désir de la toucher mais, il en était
convaincu, elle n’apprécierait pas qu’il troublât son sommeil. Jondalar, depuis
la nuit qu’Ayla avait partagée avec Ranec, redoutait qu’elle ne voulût plus de
lui. A plusieurs reprises, il avait envisagé de coucher dans un autre lit,
peut-être même dans un autre foyer, mais, même s’il lui était pénible de dormir
à côté d’elle, il lui aurait été plus pénible encore d’en être totalement
séparé.
Une petite mèche de cheveux retombait sur le visage de la jeune
femme et frémissait à chaque souffle. Il tendit la main, écarta doucement la
mèche folle. Après quoi, précautionneusement, il se recoucha, s’abandonna à la
détente. Il ferma les yeux, s’endormit au bruit du souffle d’Ayla.
Ayla s’éveilla avec l’impression que quelqu’un la regardait.
Les feux avaient été ranimés, la lumière du jour entrait par le trou à fumée qu’on
avait en partie découvert. Elle tourna la tête, rencontra le regard intense des
yeux sombres de Ranec qui, du Foyer du Renard, l’observait. Elle lui adressa un
sourire ensommeillé, en fut récompensée par un autre sourire, épanoui et ravi,
celui-là. Elle était sûre que la place, à côté d’elle, serait vide, mais elle n’en
tendit pas moins le bras, pardessus les fourrures en tas, pour s’en convaincre.
Elle repoussa les couvertures, se redressa sur son séant. Ranec, elle le
savait, attendrait qu’elle fût levée et habillée avant de venir lui rendre
visite au Foyer du Mammouth.
Elle s’était d’abord sentie mal à l’aise quand elle s’était
aperçue qu’il l’observait constamment. D’une certaine manière, c’était
flatteur, et il n’y mettait aucune malice, elle le savait. Mais, à l’intérieur
du Clan, on jugeait discourtois de plonger le regard, par-delà les pierres qui
limitaient les espaces de vie, dans le domaine d’une autre famille. Il n’y
avait pas plus d’intimité dans la caverne du Clan que dans la galerie des
Mamutoï. Mais l’intérêt de Ranec était ressenti par Ayla comme une intrusion
dans sa propre intimité et accentuait la tension latente qui ne la quittait
pas. Il y avait toujours quelqu’un dans les parages. Il n’en était pas allé
autrement, du temps où elle vivait avec le Clan, mais ces gens avaient des
coutumes auxquelles son éducation ne l’avait pas habituée. Souvent, les différences
étaient presque imperceptibles, mais, lorsqu’on vivait dans une telle
promiscuité, elles devenaient plus
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