Les chasseurs de mammouths
toute blanche ?
— Toute blanche, je crois, mais je n’en suis pas sûre.
— La fourrure de renard blanc ferait très bien.
— J’y ai songé mais... je ne pense pas que ça conviendrait,
dit Ayla. Ce n’était pas la question de la couleur qui la tracassait. Elle se
rappelait avoir choisi d’offrir à Ranec, lors de son adoption, des fourrures de
renards blancs et elle ne voulait pas réveiller des souvenirs de ce moment.
Le deuxième piège avait fonctionné mais il était vide. Le nœud
coulant fait d’un tendon avait été tranché par des dents, et il y avait des
traces de loup. Le troisième avait, lui aussi, attrapé un renard qui,
apparemment, avait eu le temps de se congeler dans le piège, mais quelque chose
était venu le ronger, une grande partie avait été dévorée, et la fourrure était
inutilisable. Cette fois encore, Ayla montra des traces de loup.
— Je prends des renards au piège pour les loups, on dirait,
remarqua Deegie.
— Il n’y en a qu’un, je pense, répondit Ayla.
Deegie commençait à craindre de ne pas trouver une autre peau
valable, même si un autre renard s’était pris dans son quatrième piège. Elles
se hâtèrent vers l’endroit où elle l’avait posé.
— Il devrait être par là, près de ces buissons, dit-elle.
Elles approchaient d’un petit taillis.
— Mais je ne vois pas ! ajouta-t-elle.
— Le voilà, Deegie ! cria Ayla qui avait pris les
devants. Et il est beau. Regarde cette queue !
— Parfait fit son amie avec un soupir de soulagement, il m’en
fallait au moins deux.
Elle dégagea du nœud coulant le renard gelé, l’attacha avec l’autre,
suspendit les deux carcasses à la branche d’un arbre. Elle se sentait plus
détendue, à présent qu’elle avait ses deux renards.
— J’ai faim. Si nous nous arrêtions ici pour manger un
peu ?
— Moi aussi, j’ai faim, maintenant que tu en parles.
Elles se trouvaient dans une étroite vallée maigrement boisée,
où les buissons étaient plus nombreux que les arbres, formée par un cours d’eau
qui s’était frayé un chemin à travers d’abondants dépôts de lœss. En ces
derniers jours d’un long et cruel hiver, une impression de total et morne
épuisement prévalait dans la petite vallée. C’était un endroit désolé, tout en
blancs, en noirs et en gris uniformes. La couche de neige, brisée par les
broussailles, était vieille, tassée, sillonnée de traces nombreuses. Elle avait
l’air sale, usée. Des branches cassées qui mettaient à nu le bois brut,
montraient les ravages du vent, de la neige et des animaux affamés. Les saules,
les aulnes touchaient presque le sol, accablés par le poids du climat, de la
saison jusqu’à n’être plus que des arbustes prostrés. Quelques bouleaux
malingres restaient debout, maigres et dégingandés, et leurs branches dénudées
se frottaient bruyamment les unes contre les autres dans le vent, comme pour
appeler à grands cris la joie d’une touche de verdure. Les conifères eux-mêmes
avaient perdu toute couleur. Les sapins tourmentés, dont l’écorce se tachait de
traînées de lichen grisâtre, semblaient délavés. Les hauts mélèzes sombres s’affaissaient
sous leur fardeau de neige. Au sommet d’une courte pente s’élevait un
amoncellement de neige piqué de longues tiges aux épines aiguës : les
stolons fibreux desséchés, envoyés en éclaireurs l’été précédent pour
revendiquer un nouveau territoire. Ayla en entreposa l’image dans un coin de sa
mémoire, non pas comme celle d’un impénétrable fourré de ronces mais comme
celle d’un endroit où elle pourrait revenir, la saison venue, cueillir des
baies et des feuilles médicinales. Par-delà le paysage désolé, elle voyait déjà
l’espoir qu’il représentait et, après un long enfermement, même un paysage d’hiver
contenait une promesse, surtout quand le soleil brillait.
Les deux jeunes femmes entassèrent de la neige, pour s’en faire
des sièges, sur ce qui aurait été la berge d’un petit cours d’eau si l’on avait
été eu été. Deegie ouvrit sa sacoche, en tira les vivres qu’elle avait apportés
et, plus important encore, l’eau. D’un paquet enveloppé d’écorce de bouleau,
elle tira pour le donner à Ayla, une espèce de pâte rond, fait d’un mélange
nourrissant de fruits séchés, de viande et de graisse riche en énergie, l’aliment
essentiel du voyageur.
— Ma mère a fait hier soir quelques-unes de ses
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