Les chasseurs de mammouths
sol, tandis que sa main cherchait dans le sac un gros
morceau de bison rôti, saignant, le posait à terre, devant elle. Elle recula
ensuite avec précaution, plongea les doigts dans la bourse pleine de galets.
Deegie, figée sur place portait son regard au-delà de sa
compagne, elle cherchait à voir ce que voyait celle-ci. Finalement, elle
surprit un mouvement. Ses yeux se fixèrent sur plusieurs petites formes
blanches qui se dirigeaient tortueusement vers elles. Elles se déplaçaient avec
une surprenante rapidité, tout en franchissant les tas de branches et de
feuilles mortes, en grimpant aux arbres pour en redescendre aussitôt, en
passant à travers les fourrés, en fouillant ou en contournant chaque trou,
chaque crevasse et en dévorant tout ce qui se trouvait sur leur chemin.
Deegie n’avait encore jamais pris le temps d’étudier le
comportement de ces petits carnivores voraces et elle les suivait d’un regard
fasciné. De temps à autre, les hermines se dressaient sur leurs pattes de
derrière, leurs petits yeux noirs et brillants aux aguets, les oreilles tendues
au moindre bruit, mais toujours attirés par leur flair vers une proie
infortunée.
Elles se faufilèrent à travers les nids des campagnols et des
mulots, sous les racines des arbres où hibernaient tritons et grenouilles,
elles se jetaient sur de jeunes oiseaux, trop paralysés par le froid, trop
affamés pour s’envoler. La horde ravageuse de huit ou dix petites tueuses
blanches se rapprochait. Leurs têtes se balançaient d’arrière en avant, leurs
petits yeux noirs, pareils à des perles, brillaient de convoitise. Elles se
jetaient avec une mortelle précision sur le cerveau, la nuque, la veine
jugulaire. Elles frappaient sans le moindre scrupule. C’étaient les meurtriers
les plus efficaces, les plus sanguinaires de tout le monde animal, et Deegie se
sentit soudain heureuse de leur petite taille. Il n’existait, semblait-il,
aucun motif à une destruction aussi gratuite, sinon le plaisir de tuer...
peut-être aussi la nécessité d’alimenter sans cesse un corps perpétuellement en
mouvement, dans toute la mesure prévue et voulue par la nature.
Attirées par le morceau de viande saignante, les hermines, sans
hésitation, se mirent en devoir de le faire disparaître. Soudain, la confusion
éclata dans le petit groupe. Des pierres lancées avec violence pleuvaient sur
les petits animaux, en abattaient quelques-uns. L’odeur caractéristique du musc
se répandait dans l’atmosphère. Deegie, trop absorbée dans sa contemplation des
prédateurs, n’avait pas suivi les préparatifs minutieux d’Ayla et ses tirs
rapides à la fronde.
A ce moment, un gros animal, sorti de nulle part, se retrouva d’un
bond au beau milieu des hermines. Ayla stupéfaite, entendit un grondement
menaçant. Le loup se jeta sur la tranche de bison, mais il fut tenu en respect
par deux petites bêtes intrépides. Le carnivore au pelage noir eut un mouvement
de recul, découvrit alors une hermine récemment mise hors d’état de nuire et s’en
empara.
Mais Ayla n’était pas disposée à laisser le loup noir lui voler
ses hermines : elle s’était donné trop de mal pour se les procurer. C’était
elle qui les avait tuées, et elle avait besoin de leurs peaux pour la tunique
blanche. Déjà, la petite bête blanche dans la gueule, le loup s’éloignait. Ayla
se lança à sa poursuite. Les loups, eux aussi, mangeaient de la viande. Elle
les avait étudiés de très près, du temps où elle apprenait à se servir d’une
fronde. Et elle les comprenait. Sans interrompre sa course, elle ramassa une
branche tombée. Un loup solitaire cédait généralement la place, devant une
attaque déterminée. Celui-ci pourrait laisser tomber l’hermine.
S’il s’était agi d’une troupe de loups, ou même de deux
individus seulement, elle n’aurait pas tenté un assaut aussi téméraire. Quand
le loup noir fit une courte pause, afin d’assurer plus solidement sa prise sur
l’hermine, Ayla se précipita sur lui, la branche haut levée pour lui en asséner
un grand coup. Elle ne considérait pas la branche comme une arme bien
efficace : elle voulait seulement effrayer l’animal, l’amener par la
surprise à lâcher sa petite proie. Mais la surprise fut pour elle. Le loup
laissa tomber l’hermine devant lui et, avec un grondement mauvais, menaçant,
bondit vers la jeune femme.
La réaction immédiate de celle-ci fut pour jeter la branche
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