Les chasseurs de mammouths
larmes
retenues... pour une louve morte.
— Ils finissent tous par mourir, Ayla. Nous retournons tous
à la Mère.
— Je le sais bien, Deegie. Mais elle, d’abord, elle était
différente des autres et, ensuite, elle s’est retrouvée seule. Elle aurait dû
avoir droit à quelque chose, dans sa vie : un compagnon, une troupe pour l’entourer,
quelques petits au moins.
Deegie commençait à comprendre pourquoi son amie manifestait une
émotion aussi violente pour une vieille louve noire et décharnée : elle se
mettait à la place de l’animal.
— Mais elle a eu des petits, Ayla.
— Et maintenant, ils vont mourir, eux aussi. Ils n’ont pas
de troupe autour d’eux. Pas même un mâle dominant. Sans leur mère, ils vont
mourir.
Ayla, brusquement, sauta sur ses pieds.
— Je ne vais pas les laisser mourir :
— Comment ça ? Où vas-tu ?
— Je vais les trouver. Je vais suivre les traces de la
louve noire jusqu’à sa tanière.
— Ça pourrait être dangereux. Il y a peut-être d’autres
loups dans les environs. Comment peux-tu être sûre que non ?
— J’en suis sûre, Deegie. Il me suffit de la regarder.
— Eh bien, si je ne peux pas te faire changer d’avis, je n’ai
qu’une chose à te dire, Ayla.
— Quoi ?
— Si tu t’attends à me voir arpenter toute la région avec
toi, à la recherche de traces de loup, tu peux porter toi-même tes hermines.
Deegie fit tomber de son sac cinq petits cadavres blancs.
— Moi, j’ai bien assez à porter avec mes renards.
Le grand sourire de Deegie exprimait un pur ravissement. Ayla,
en réponse, lui sourit avec une chaleureuse affection.
— Oh, Deegie, tu les as apportées jusqu’ici !
Dans un grand élan d’amitié, les deux jeunes femmes s’étreignirent.
— Un fait est certain, Ayla : on ne s’ennuie jamais en
ta compagnie !
Deegie aidait Ayla à ranger les hermines dans son sac.
— Que vas-tu faire de cette louve ? Si nous ne la
prenons pas, quelqu’un d’autre s’en chargera et une peau de loup noir, ce n’est
pas courant.
— J’aimerais l’emporter, mais je dois d’abord retrouver ses
petits.
— Très bien, je vais la porter, déclara Deegie.
Elle hissa sur son épaule le corps inerte.
— Si nous en avons le temps, tout à l’heure, je l’écorcherai.
Sur le point de poser une autre question, elle se ravisa. Elle
saurait bien assez tôt ce que son amie voulait faire, si elle découvrait des
louveteaux encore vivants.
Elles durent regagner la petite vallée pour trouver les traces
qui les guideraient. Connaissant la précarité des vies qu’elle laissait sans
défense derrière elle, la louve avait consciencieusement brouillé sa piste. A
plusieurs reprises, Deegie, bien entraînée pourtant, elle aussi, fut convaincue
qu’elles l’avaient perdue. Mais Ayla, poussée par son désir d’arriver au but,
finissait toujours par la retrouver. Quand elles parvinrent enfin à l’endroit
où, elle en était sûre, se trouvait la tanière, la position du soleil montrait
que l’après-midi s’avançait.
— Je dois être franche, Ayla : je ne vois pas signe de
vie.
— Il doit en être ainsi, s’ils sont seuls. S’ils donnaient
signe de vie, ce serait provoquer le danger.
— Tu as peut-être raison, mais s’il y a vraiment des
louveteaux là-dedans, comment vas-tu les faire sortir ?
— Je n’ai qu’un seul moyen, je pense. Je serai obligée d’aller
les chercher.
— Tu ne vas pas faire ça, Ayla ! C’est très bien d’observer
des loups à bonne distance, mais on ne peut pas s’introduire dans leur tanière.
Si les louveteaux n’étaient pas seuls ? Il pourrait y avoir un autre
adulte avec eux.
— As-tu vu d’autres traces de loup adulte, en dehors de
celles de la mère ?
— Non, mais je n’aime pas cette idée de pénétrer dans la
tanière d’un loup.
— Je ne suis pas venue si loin pour m’en aller sans savoir
s’il y a des louveteaux. Il faut que j’y aille, Deegie.
Ayla posa son sac, se dirigea vers l’étroit trou noir qui s’ouvrait
dans la terre. Il s’agissait d’un vieux repaire, abandonné depuis longtemps
parce que le site n’était pas des plus favorables. C’était ce que la louve
noire avait pu trouver de mieux, après la mort, dans un combat, du vieux loup
solitaire qu’avaient attiré ses chaleurs prématurées.
Ayla se mit sur le ventre, entreprit de se faufiler dans l’ouverture.
Attends, Ayla ! lui cria Deegie.
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