Les chasseurs de mammouths
devant
elle, afin de contenir l’attaquant. En elle, une subite poussée d’énergie lui
conseillait de fuir. Mais la branche, fragilisée par le froid, se brisa lorsqu’elle
la ramena en avant et heurta un arbre. Elle se retrouva avec, au poing, un
simple tronçon. Le reste, cependant, avait frappé le loup en pleine tête. Ce
fut assez pour retenir son élan : il avait bluffé, lui aussi, il n’avait
pas bien envie d’attaquer. Il reprit dans sa gueule l’hermine morte, remonta la
pente de l’étroite vallée boisée.
Ayla était sous le coup de la frayeur et de la colère, du choc
aussi. Mais elle ne pouvait laisser l’hermine lui échapper ainsi. Une fois de
plus, elle se lança à la poursuite du loup.
— Laisse-le partir ! lui cria Deegie. Tu en as bien
assez ! Laisse celle-ci au loup !
Son amie ne l’entendit pas : son attention était ailleurs.
Le loup se dirigeait vers une région à découvert, et elle le suivait de près.
Elle plongea la main dans son petit sac à projectiles : il ne lui restait
que deux pierres. Elle se mit à courir. Elle s’attendait à voir le loup lui
échapper bientôt mais elle se sentait obligée de fournir encore un effort. Elle
plaça un galet dans sa fronde, le projeta sur l’animal en fuite. Le second
galet suivit de très près le premier, acheva l’ouvrage. Tous les deux avaient
touché leur cible.
Ayla éprouva une vive satisfaction en voyant le loup s’effondrer.
En voilà un qui ne lui volerait plus rien. Elle s’élança pour reprendre l’hermine,
décida qu’elle pouvait tout aussi bien prendre la peau du gros carnivore.
Cependant, lorsque Deegie la rejoignit, elle trouva son amie assise près du
loup noir et de l’hermine blanche. Elle n’avait pas bougé. Son expression
inquiéta Deegie.
— Qu’y a-t-il, Ayla ?
— J’aurais dû lui laisser emporter l’hermine. J’aurais dû
comprendre qu’elle avait une bonne raison pour se jeter sur ce morceau de rôti
que voulaient les hermines. Les loups connaissent bien la cruauté de ces
petites bêtes, et, généralement, un loup solitaire battra en retraite sans
attaquer, dans un lieu qui ne lui est pas familier. J’aurais dû lui abandonner
cette hermine.
— Je ne comprends pas. Tu as retrouvé ton hermine et tu as
aussi la peau d’un loup noir. Pourquoi dis-tu que tu aurais dû lui laisser l’hermine ?
Ayla désigna le ventre de la louve.
— Regarde. Elle allaitait. Elle a des petits.
— Il est encore bien tôt, non, pour qu’une louve mette
bas ?
— Oui. Elle n’est pas en saison. Et c’est une solitaire.
Voilà pourquoi elle avait tant de mal à trouver de quoi manger. C’est ce qui l’a
poussée à vouloir prendre la viande et, ensuite, l’hermine. Regarde ses côtes.
Ses petits l’ont épuisée. Elle n’a plus que la peau sur les os. Si elle vivait
avec une troupe, les autres l’auraient aidée à nourrir ses petits. Mais, si
elle vivait avec une troupe, elle n’aurait pas eu de petits. Le plus souvent,
seule la femelle qui mène la meute en a, et cette louve n’a pas la couleur qui
convient. Les loups sont accoutumés à certaines couleurs, à certaines marques.
Elle, elle est comme la louve blanche que j’observais, dans le temps, quand j’apprenais
à les connaître. Les autres ne l’aimaient pas non plus. Elle cherchait sans
cesse à faire des avances au loup et à la louve qui menaient la meute, mais ils
ne voulaient pas d’elle. Quand les autres sont devenus trop nombreux, elle est partie.
Peut-être en a-t-elle eu assez de n’être aimée de personne.
Ayla baissa les yeux sur la louve noire.
— Celle-ci a fait comme elle. Peut-être est-ce ce qui l’a
poussée à avoir des petits : elle était trop seule. Mais elle n’aurait pas
pu les avoir si tôt. A mon avis, Deegie, c’est la même louve noire que j’ai
vue, quand nous chassions le bison. Elle a dû quitter sa troupe pour se mettre
à la recherche d’un mâle solitaire et former avec lui une nouvelle troupe. C’est
comme ça qu’elles se forment. Mais c’est toujours plus difficile pour les
solitaires. Les loups aiment chasser ensemble et ils s’aident les uns les
autres. Le mâle dominant aide toujours la femelle dominante à élever ses
petits. Je voudrais que tu les voies, parfois : ils aiment jouer avec les
louveteaux. Mais où est le mâle de celle-ci ? En a-t-elle même trouvé
un ? Est-il mort ?
Deegie eut la surprise de voir dans les yeux d’Ayla des
Weitere Kostenlose Bücher