Les chasseurs de mammouths
toujours à Rydag.
Jondalar lui avait enseigné le langage des Mamutoï ainsi que d’autres
qu’il connaissait, mais elle le parlait moins couramment que celui de son
compagnon, le premier qu’elle avait appris. Elle s’exprimait d’une manière
étrange et elle cherchait ses mots, ce qui la mettait mal à l’aise. Mais, pour
le petit garçon qui, lui, ne pouvait se faire comprendre de personne, elle
devait essayer. Parce qu’il le lui avait demandé.
— J’entends lion...
Elle ne comprit pas bien ce qui l’avait poussée. Peut-être
fut-ce le regard de Rydag, la façon dont il tournait la tête pour mieux
entendre, ou peut-être fut-ce son instinct. Toujours est-il qu’elle fit suivre
le mot « lion » d’un grondement menaçant qui évoquait parfaitement un
véritable lion. Elle perçut des cris de frayeur étouffés, des rires nerveux,
des murmures d’approbation. Elle possédait une incroyable faculté pour imiter
les animaux. Jondalar, lui aussi, hochait la tête en lui souriant.
— J’entends homme crier.
Elle regarda son compagnon, et ses yeux s’emplirent de
tristesse.
— J’arrête. Que faire ? Whinney grosse de son
enfant...
Cette fois, elle reproduisait les petits sons aigus émis par un
poulain et en fut récompensée par un sourire radieux de Latie.
— Je suis inquiète pour cheval, mais homme crie. J’entends
encore lion. J’écoute.
Par sa bouche, le rugissement d’un lion devenait presque
espiègle.
— C’est Bébé. J’entre dans canyon, alors. Je sais cheval
pas blessé... Elle vit autour d’elle des regards perplexes. Le mot qu’elle
avait employé n’était pas familier à ces gens. En d’autres circonstances, Rydag
l’aurait peut-être reconnu, lui. Ayla avait dit à Jondalar que, pour le Clan,
ce mot désignait un tout petit enfant. Elle essaya d’expliquer :
— Bébé est lion. Je trouve homme mort. Autre homme,
Jondalar, beaucoup blessé. Whinney ramène à vallée.
— Ha ! fit une voix moqueuse.
Ayla leva la tête. C’était Frébec, l’homme qui s’était querellé
un peu plus tôt avec la vieille femme.
— Tu voudrais me faire croire, continua-t-il, que tu as
écarté un lion d’un homme blessé ?
— Pas lion comme autres. Bébé, précisa-t-elle.
— Qu’est-ce que c’est... ce mot que tu dis ?
— » Bébé » est un mot du Clan. Veut dire enfant,
tout petit. Je donne nom à lion quand vit avec moi. Bébé est lion je connais.
Cheval connaît aussi. Pas peur.
Ayla était inquiète : il se passait quelque chose, mais
quoi ?
— Tu vivais avec un lion ? Tu ne me feras pas croire
ça, ricana l’homme.
— Tu ne le crois pas ? intervint Jondalar, furieux.
Cet homme accusait Ayla de mensonge, et lui-même savait trop
bien à quel point son histoire était vraie.
— Ayla ne ment pas, déclara-t-il.
Il se leva, dénoua la lanière qui retenait autour de la taille
ses jambières de cuir. Il découvrit l’aine et la cuisse striées de cicatrices
encore enflammées.
— Ce lion m’a attaqué, et Ayla ne s’est pas contentée de m’arracher
à ses griffes. C’est une guérisseuse de grand talent. Sans elle, j’aurais suivi
mon frère dans l’autre monde. Je vais te dire autre chose. Je l’ai vue monter
sur le dos de ce lion, comme elle le fait avec le cheval. Vas-tu me traiter de
menteur ?
— Aucun invité du Camp du Lion n’est traité de menteur,
déclara Tulie.
Elle essayait d’éviter une scène regrettable et fixait sur
Frébec un regard menaçant.
— A mon avis, tu as bien été cruellement lacéré, et nous
avons certainement vu de nos yeux cette femme... Ayla... monter la jument. Je
ne vois aucune raison de douter d’elle ni de toi.
Il y eut un silence tendu. Le regard perplexe d’Ayla allait d’un
visage à l’autre. Le mot « menteur » lui était inconnu, et elle ne
comprenait pas pourquoi Frébec déclarait qu’il ne la croyait pas. Elle avait
grandi parmi des gens pour qui le mouvement représentait le moyen de
communication essentiel. Plus encore que les gestes des mains, le langage du
Clan utilisait les postures, les expressions pour nuancer ce qu’on voulait
dire. Mentir de tout son corps d’une façon convaincante était impossible. On
pouvait tout au plus utiliser la restriction mentale, et cela même était
discernable : on le tolérait par souci de discrétion. Ayla n’avait jamais
appris à mentir.
Elle savait pourtant que quelque chose n’allait pas.
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