Les chasseurs de mammouths
demanda
Jondalar.
— Quelques années après la naissance de Ranec, les
difficultés ont commencé. Le peuple à la peau noire chez qui je vivais s’était installé
en ces lieux après avoir quitté une région plus éloignée vers le sud.
Certains des habitants des Camps voisins ne voulaient pas
partager les territoires de chasse. Il y avait aussi des différences de
coutumes. Je suis presque parvenu à les convaincre de se réunir pour en
discuter. Mais quelques jeunes, des têtes brûlées, ont choisi plutôt de se
battre. Une mort en amenait une autre, par vengeance. Vinrent ensuite des
attaques contre les Camps.
« Nous avions établi de solides défenses, mais ils étaient
plus nombreux que nous. La lutte a continué pendant quelque temps. Bientôt, la
seule vue d’une personne à la peau plus claire suffit à déchaîner la peur et la
haine. J’avais beau être l’un des leurs, ils se sont mis à se méfier de moi et
même de Ranec. Sa peau était un peu plus pâle que la leur, ses traits étaient
différents. J’ai parlé à la mère de Ranec, et nous avons décidé de partir. La
séparation fut bien triste : nous laissions derrière nous une famille, de
nombreux amis. Mais nous n’étions plus en sécurité. Quelques-unes de ces têtes
brûlées ont même essayé de s’opposer à notre départ, mais avec de l’aide nous
avons pu leur échapper durant la nuit.
« Nous avons marché vers le nord, vers le détroit. Je
savais qu’il y avait là des gens qui construisaient de petits bateaux et s’en
servaient pour traverser la mer. On nous avertit : c’était la mauvaise
saison, et le passage était toujours difficile, même dans les meilleures
conditions. Mais nous devions partir à tout prix, je le sentais, et nous avons
décidé de prendre le risque.
« J’avais pris la mauvaise décision, poursuivit Wymez, d’une
voix fermement contrôlée. Le bateau a chaviré. Seuls, Ranec et moi sommes
arrivés sur l’autre rive, avec un paquet de ses affaires à elle.
Il s’interrompit un instant, avant de reprendre le cours de son
histoire.
— Nous étions encore bien loin de chez moi, et le voyage
nous a pris longtemps, mais nous avons fini par arriver ici, pendant une
Réunion d’Été.
— Combien de temps étais-tu resté absent ? demanda
Jondalar.
— Dix années. (Wymez sourit.) Nous avons fait sensation.
Personne ne s’attendait à me revoir, et surtout pas avec Ranec. Nezzie ne m’a
même pas reconnu, mais ma sœur était encore très jeune quand j’étais parti.
Elle et Talut venaient de célébrer leur Union. Ils étaient en train de fonder
le Camp du Lion, avec Tulie, ses deux compagnons et leurs enfants. Ils m’ont
invité à me joindre à eux. Nezzie a adopté Ranec, bien qu’il soit resté le fils
de mon foyer, et elle l’a élevé comme son propre fils, même après la naissance
de Danug.
Lorsqu’il se tut, l’auditoire mit un moment à comprendre qu’il
était arrivé au bout de son récit. Chacun avait envie d’en savoir davantage.
Ils lui avaient presque tous entendu conter bien des histoires, mais il en
avait apparemment toujours d’autres en réserve, ou il donnait un tour nouveau
aux anciennes.
— Je crois que Nezzie serait la mère de tout le monde, si
elle le pouvait, dit Tulie, qui se rappelait le retour de Wymez. J’avais alors
Deegie au sein, et Nezzie ne se lassait jamais de jouer avec elle.
— Pour moi, elle est plus qu’une mère ! déclara Talut.
Avec un sourire taquin, il tapota le large séant de sa compagne.
Il était allé chercher une autre outre de son puissant breuvage et la passait à
ses compagnons, après avoir avalé une lampée.
— Talut ! protesta Nezzie. Je vais être autre chose qu’une
mère pour toi, tu vas voir !
Elle voulait paraître furieuse mais elle dissimulait un sourire.
— C’est une promesse ? riposta-t-il.
— Tu sais très bien ce que je voulais dire, Talut, reprit
Tulie.
Elle ignorait délibérément les sous-entendus échangés entre son
frère et la compagne de celui-ci.
— Elle n’a même pas pu laisser mourir Rydag. Il est si
chétif : la mort aurait mieux valu pour lui.
Le regard d’Ayla alla trouver l’enfant. La remarque de Tulie l’avait
troublée. Elle n’avait pas voulu se montrer méchante, mais, Ayla le savait, il
détestait entendre parler de lui comme s’il n’était pas là. Pourtant il n’y
pouvait rien. Il était incapable de dire ce qu’il ressentait, et
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