Les chasseurs de mammouths
Elle
déchiffrait la colère et l’hostilité qui venaient de naître aussi clairement
que si ces gens les avaient criées. Elle savait aussi qu’ils s’efforçaient de
ne pas les exprimer. Talut vit les yeux d’Ayla se poser sur l’homme à la peau
sombre, s’en détourner. A la vue de Ranec, le chef eut l’idée d’un moyen pour
apaiser les tensions et revenir aux histoires que chacun racontait.
— C’est une belle aventure, Jondalar, dit-il de sa voix
claironnante, non sans gratifier Frébec d’un regard sévère. Les récits de
voyages sont toujours passionnants. Aimerais-tu en entendre un autre ?
— Oui, très volontiers.
Il y eut des sourires dans toute l’assistance. Le calme se
rétablit. L’histoire était l’une des préférées du groupe et l’occasion était
rare de la partager avec des gens qui ne l’avaient pas encore entendue.
— C’est l’histoire de Ranec... commença Talut. Ayla regarda
Ranec avec intérêt.
— Aime savoir comment homme à peau brune est à Camp du
Lion, dit-elle.
Il lui sourit mais se tourna vers l’homme de son foyer.
— C’est mon histoire, mais c’est à toi de la raconter,
Wymez. Jondalar avait repris sa place. Il ne savait trop s’il devait apprécier
le nouveau tour de la conversation – ou peut-être l’intérêt que
témoignait Ayla à Ranec. Mais mieux valait cela qu’une hostilité presque
déclarée. D’ailleurs, son intérêt à lui aussi s’éveillait.
Wymez s’installa plus confortablement, adressa un signe de tête
à Ayla, un sourire à Jondalar, avant de commencer :
— Nous avons d’autres points communs que la connaissance de
la pierre, jeune homme. Moi aussi, dans ma jeunesse, j’ai accompli un long
voyage. J’ai pris d’abord la direction du sud, en passant du côté du soleil
levant. J’ai dépassé la mer de Beran et j’ai poursuivi mon chemin jusqu’aux
rivages d’une mer beaucoup plus vaste. Cette mer du Sud porte différents noms,
car de nombreux peuples vivent sur ses côtes. Je les ai d’abord suivies en
direction du soleil levant, puis, vers le soleil couchant, j’ai longé les
rivages du sud, à travers des terres couvertes de forêts, où il fait beaucoup
plus chaud, où il pleut plus souvent qu’ici.
« Je n’essaierai pas de vous conter tout ce qui m’est
arrivé. Ce sera pour une autre fois. Je veux vous dire l’histoire de Ranec. En
voyageant vers le couchant, j’ai rencontré bien des gens. J’ai vécu quelque
temps chez certains, j’ai appris de nouvelles coutumes. Mais je finissais
toujours par en avoir assez et je me remettais en route. Je voulais savoir
jusqu’où je pourrais aller vers le couchant.
« Au bout de plusieurs années, je suis arrivé en un lieu
qui se trouve non loin de tes Grandes Eaux, je crois, Jondalar, mais de l’autre
côté du passage resserré où la mer du Sud s’unit à elles. Là-bas, j’ai
rencontré un peuple dont la peau était si sombre qu’elle paraissait noire et,
là-bas aussi, j’ai connu une femme. Une femme vers laquelle je me suis senti
attiré. Peut-être au début était-ce à cause de son aspect différent... Ses
vêtements étranges, la couleur de sa peau, ses yeux sombres étincelants... Son
sourire était irrésistible... comme sa façon de danser, de se mouvoir... C’était
la femme la plus extraordinaire que j’aie jamais rencontrée.
Wymez s’exprimait d’un ton direct, d’une voix presque neutre,
mais le récit était si passionnant que tout effet dramatique était inutile.
Néanmoins, quand l’homme trapu, réservé, commença de parler de cette femme, son
attitude changea visiblement.
— Quand elle accepta de s’unir à moi, je décidai de rester
avec elle. Dès ma prime jeunesse, le travail de la pierre m’a toujours
intéressé. J’appris leur méthode de façonner des pointes de sagaies. Ils
taillent les faces de la pierre, tu comprends ?
La question était posée directement à Jondalar.
— Oui, comme une hache, répondit celui-ci.
— Mais ces pointes étaient moins épaisses, moins
grossières. Ils possédaient une bonne technique. Je leur ai enseigné certaines
choses, moi aussi, et je me suis volontiers plié à leurs coutumes, surtout
quand la Mère a béni ma compagne en lui accordant un enfant, un garçon. Elle m’a
demandé de lui donner un nom. J’ai choisi Ranec.
Voilà qui explique tout, se dit Ayla. Sa mère avait la peau
sombre.
— Qu’est-ce qui t’a décidé à revenir ?
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