Les chasseurs de mammouths
tambouriner, avec un marteau en bois de renne, sur
un autre os de mammouth, une omoplate couverte de lignes également espacées et
de chevrons peints en rouge. La musique magnifiquement obsédante emplissait
toute la caverne. Tout le corps d’Ayla palpitait au même rythme, et elle
remarqua que d’autres personnes se balançaient en mesure. Brutalement, tout se
tut.
Le silence était chargé d’attente, mais on le laissa mourir de
lui-même. Il n’était pas question de célébrer une cérémonie mais simplement de
réunir le Camp pour passer une soirée agréable à parler, ce que les gens
faisaient le mieux.
Tulie commença par annoncer qu’un accord avait été conclu, et
que l’Union de Deegie et de Branag serait officialisée l’été suivant. Chacun s’y
attendait, ce qui n’empêcha pas les manifestations d’approbation et les
félicitations. Le jeune couple rayonnait de joie. Talut, ensuite, demanda à
Wymez de leur faire un rapport sur sa mission de commerce : on apprit qu’elle
concernait des échanges de sel, d’ambre et de silex. Plusieurs personnes
posèrent des questions ou se livrèrent à des commentaires. Jondalar écoutait
avec attention. Ayla, qui ne comprenait pas de quoi il était question, résolut
de lui demander des précisions un peu plus tard. Après quoi, Talut questionna
Danug sur ses progrès, au grand embarras du garçon.
— Il a du talent, une certaine habileté. Encore quelques
années d’expérience, et il sera très bon. On l’a laissé partir à regret. Il a
beaucoup appris. Cette année d’absence n’a pas été vaine, déclara Wymez.
Le groupe exprima de nouveau son approbation. Il se fit une
pause, meublée par quelques conversations particulières. Talut, enfin, se
tourna vers Jondalar ; ce qui souleva un mouvement d’intérêt.
— Dis-nous, homme des Zelandonii, comment tu te trouves
ici, au Camp du Lion des Mamutoï ? demanda le chef.
Jondalar but une gorgée à l’une des petites outres brunes
emplies de boisson fermentée. Son regard passa sur les gens qui l’entouraient
et qui attendaient sa réponse avec impatience. Il sourit à Ayla. Il s’est déjà
trouvé dans une telle situation, se dit-elle, un peu surprise. Elle comprenait
qu’il créait une atmosphère, avant de conter son histoire. Elle se disposa à l’écouter,
comme les autres.
— C’est une longue histoire, commença-t-il.
Des têtes l’approuvèrent : c’était précisément ce qu’on
avait envie d’entendre.
— Mon peuple vit bien loin d’ici, très loin vers le
couchant, au-delà même de la source de la Grande Rivière Mère, qui termine sa
course dans la mer de Beran. Nous habitons aussi, comme vous, près d’une
rivière, mais la nôtre se jette dans les Grandes Eaux du couchant.
« Les Zelandonii sont un grand peuple. Comme vous, nous
sommes des Enfants de la Terre. Celle que vous nommez Mut, nous l’appelons
Doni, mais elle reste la Grande Terre Mère. Nous chassons, nous commerçons et
nous faisons parfois de longs voyages. Mon frère et moi, un jour, nous avons
décidé d’en faire un.
Un instant, Jondalar ferma les yeux, et la souffrance creusa sur
son front des plis profonds.
— Thonolan... c’était mon frère... riait sans cesse et il
aimait l’aventure. C’était un favori de la Mère.
La souffrance était bien réelle. Ce n’était pas de l’affectation
pour embellir l’histoire, et tout le monde le sentait. Sans qu’il en eût rien
dit, on en devinait la cause. Chez eux aussi, on disait que la Mère emportait
de bonne heure ceux qu’Elle aimait le mieux. Jondalar n’avait pas eu l’intention
de révéler ainsi ses sentiments. Le chagrin l’avait pris au dépourvu et le
laissait quelque peu embarrassé. Mais une perte aussi douloureuse est
universellement ressentie ; cette démonstration inattendue provoqua la
sympathie de ceux qui l’écoutaient et éveilla chez eux une compréhension qui
dépassait la curiosité et la courtoisie généralement témoignée aux visiteurs
étrangers.
Jondalar reprit son souffle, essaya de renouer le fil de son
récit.
— Ce voyage, à l’origine, devait être celui de Thonolan. J’avais
l’intention de faire avec lui un bout de chemin, jusqu’aux lieux où habitaient
certains de nos parents. Mais finalement, j’ai décidé de l’accompagner au long
de son voyage. Après avoir traversé un glacier à la source du Danube, la Grande
Rivière Mère, nous nous sommes dit que nous
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