Les chasseurs de mammouths
allions la suivre jusqu’au bout.
Personne ne nous en croyait capables, pas même nous, peut-être. Pourtant, nous
avons suivi notre chemin, traversé de nombreux affluents, rencontré bien des
gens.
« Un jour, pendant le premier été, nous nous étions arrêtés
pour chasser. Pendant que nous faisions sécher la viande, nous nous sommes
retrouvés encerclés par des hommes qui pointaient sur nous leurs sagaies...
Jondalar avait retrouvé sa cadence, et le récit de ses aventures
retenait l’attention passionnée de son auditoire. C’était un bon conteur, qui
savait tenir en haleine ceux qui l’écoutaient. Ils ponctuaient ses paroles de
hochements de tête, de murmures d’approbation, d’encouragements et même de
cris. Même quand ils écoutent, pensa Ayla, les gens qui parlent avec des mots
ne peuvent garder le silence.
Elle était fascinée, comme tout le monde, mais elle se surprit à
observer un moment ceux qui l’entouraient. Les adultes tenaient sur leurs
genoux les plus jeunes enfants, tandis que les autres, étroitement groupés,
fixaient sur le séduisant étranger des yeux brillants. Danug, en particulier,
semblait captivé. Penché en avant, il écoutait avec une attention profonde.
— ... Thonolan est entré dans le canyon : la lionne
était partie, il se croyait en sécurité. Mais nous avons entendu rugir un
lion...
— Et alors, que s’est-il passé ? demanda Danug.
— Je vais laisser le soin à Ayla de vous raconter le reste.
Je ne me souviens pas de grand-chose, après ça.
Tous les yeux se tournèrent vers la jeune femme. Ayla était
frappée de stupeur. Elle ne s’était pas attendue à cela. Jamais elle n’avait
parlé en public. Jondalar lui souriait. La meilleure façon de l’habituer à s’exprimer
devant des inconnus, s’était-il dit tout à coup, c’était de l’y contraindre. L’occasion
se représenterait certainement pour elle de retracer une expérience vécue. Par
ailleurs, chacun gardait encore en mémoire son extraordinaire maîtrise sur les
chevaux : l’histoire du lion n’en serait que plus crédible. C’était une
histoire qui ajouterait encore à son mystère. Et, peut-être, si l’auditoire s’en
satisfaisait, n’aurait-elle pas à parler de ses origines.
— Qu’est-il arrivé, Ayla ? demanda Danug.
Rugie, jusqu’à présent, s’était montrée timide avec ce grand
frère qui était resté si longtemps absent, mais elle retrouva le souvenir d’autres
assemblées où l’on avait raconté des histoires et elle décida sur l’instant de
s’installer sur ses genoux. Danug l’accueillit d’une caresse et d’un sourire
distrait, sans pour autant détourner ses yeux d’Ayla.
Celle-ci regarda tous ces visages tournés vers elle. Elle essaya
de parler mais elle avait la bouche sèche.
— Oui, qu’est-il arrivé ? répéta Latie.
Rydag sur les genoux, elle était assise près de Danug.
Les grands yeux sombres de l’enfant brillaient d’excitation. Il
ouvrit la bouche pour poser une question, lui aussi, mais personne ne comprit
le son qu’il émit. Personne, sauf Ayla. Elle n’avait pas saisi le mot lui-même,
mais seulement sa signification. Elle avait déjà entendu des sons semblables,
elle avait même appris à s’en servir. Les gens du Clan n’étaient pas
muets : leur capacité d’articulation était simplement limitée. Ils avaient
donc créé peu à peu pour communiquer un langage par signes, très riche, très
complet. Les mots leur servaient uniquement à souligner certaines nuances. L’enfant,
Ayla le savait, lui demandait de continuer l’histoire. Elle sourit, s’adressa
particulièrement à lui.
— J’étais avec Whinney, commença-t-elle.
La manière dont elle prononçait le nom de la jument avait
toujours été une imitation du doux hennissement d’un cheval. Les gens de la
caverne n’y virent qu’un merveilleux embellissement à l’histoire. Ils
sourirent, l’encouragèrent de la voix à continuer dans la même veine.
— Elle a bientôt petit cheval. Elle très grosse, dit Ayla.
Elle portait les mains en avant de son ventre pour indiquer que
la jument était presque à terme. Il y eut des sourires de compréhension.
— Tous les jours, nous sortons. Whinney a besoin sortir.
Pas loin, pas vite. Toujours aller côté soleil levant. Côté soleil levant
facile. Trop facile : rien nouveau. Un jour, aller soleil couchant. Voir
endroit nouveau, poursuivit Ayla.
Elle s’adressait
Weitere Kostenlose Bücher