Les chasseurs de mammouths
subsistance. Les
énormes lions des cavernes, deux fois plus grands que tout autre félin, s’en
prenaient normalement aux plus gros herbivores – aurochs, bisons,
cerfs géants, élans, orignaux ou chevaux – et pouvaient tuer un
adulte dans toute sa force. Il leur arrivait d’abattre un très jeune ou un très
vieux mammouth, ou bien encore un malade, mais aucun prédateur à quatre pattes,
que ce fût seul ou en groupe, n’était capable de tuer un mammouth adulte à la
fleur de l’âge. Seuls, les Mamutoï, les enfants humains de la Grande Terre
Mère, avaient reçu le pouvoir de chasser la plus grande de Ses créatures. Ils
étaient les élus. Parmi toutes Ses créations, ils avaient la prééminence. Ils
étaient les Chasseurs de Mammouths.
Après le passage des mammouths, les gens du Camp du Lion s’engagèrent
avec ardeur sur leurs traces. Pas pour les chasser : ce serait pour plus
tard. Ils voulaient recueillir la douce laine duveteuse qu’ils perdaient en
grande quantité à travers les poils plus rudes de la toison supérieure. Cette
laine d’un rouge sombre, que l’on ramassait sur le sol ou sur les branches
épineuses qui s’y accrochaient et la retenaient, était considérée comme un don
exceptionnel offert par l’Esprit du Mammouth. A l’occasion, on ramassait aussi,
avec le même enthousiasme, la laine blanche du mouflon, que le mouton sauvage
perdait au printemps, la laine brune, incroyablement douce, du bœuf musqué et
le duvet plus clair du rhinocéros laineux. Ils offraient mentalement des
actions de grâces à la Grande Terre Mère qui puisait dans Son abondance tout ce
qu’il fallait à Ses enfants, les végétaux comestibles, les animaux et des
matériaux comme le silex et l’argile. Il leur suffisait de savoir où et quand
les chercher.
Les Mamutoï ajoutaient avec joie à leur régime des légumes,
riches en variété, mais ils chassaient peu au printemps et au début de l’été, à
moins que les réserves de viande ne fussent près de s’épuiser. Les animaux
étaient trop maigres. Le long et dur hiver les privait des nécessaires sources
d’énergie, concentrée sous la forme de graisse. Leurs migrations étaient
commandées par le besoin de se refaire. On choisissait parfois quelques bisons
mâles, si le poil, encore noir au garrot, indiquait la présence d’une certaine
quantité de graisse ; ou bien quelques femelles pleines, de différentes
espèces, à cause de la chair tendre du fœtus et de sa peau dont on faisait des
vêtements d’enfants. L’exception marquante, c’était le renne.
De vastes troupeaux de rennes migraient vers le nord. Les
femelles coiffées de bois, avec les jeunes de l’année précédente, montraient le
chemin au long des pistes qui menaient aux territoires où, traditionnellement,
elles mettaient bas. Les mâles suivaient. Comme pour tous les animaux qui se
déplaçaient en troupeaux, leurs rangs étaient décimés par les loups, qui les
suivaient sur leurs flancs et repéraient les plus faibles, les plus vieux, et
par plusieurs espèces de félins : les grands lynx, les léopards au corps
effilé et, de temps à autre, un énorme lion des cavernes. Les grands carnivores
conviaient aux restes de leurs festins d’autres carnivores de moindre
importance, et des nécrophages, quadrupèdes ou oiseaux : renards, hyènes,
ours bruns, civettes, petits félins des steppes, gloutons, corbeaux, milans,
faucons et bien d’autres.
Les bipèdes chasseurs cherchaient leurs proies parmi toutes ces
espèces. Ils ne dédaignaient ni les fourrures ni les plumes de leurs
concurrents. Le renne, toutefois, était le gibier le plus recherché du Camp du
Lion. Non pour sa chair, même si on ne la laissait pas perdre. La langue était
considérée comme un mets recherché, et l’on faisait sécher la viande, dans son
ensemble, pour en faire des vivres en cas de voyage. Mais c’étaient surtout les
peaux qui attiraient les Mamutoï. Généralement d’une couleur fauve grisâtre, le
poil de la plupart des rennes du nord pouvait aller du blanc crème jusqu’à une
teinte foncée presque noire, en passant par un ton brun rougeâtre chez les
jeunes, naturellement isolante. On ne pouvait trouver rien de mieux pour les
vêtements d’hiver, et elle était sans égale comme couverture. Chaque année, à l’aide
de fosses ou en battues, le Camp du Lion chassait le renne, afin de
reconstituer ses réserves ou pour avoir des cadeaux à emporter
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