Les chasseurs de mammouths
pattes
tridactyles de derrière, s’échappait par bonds et plongeait dans le terrier où
elle avait passé tout l’hiver. Les lièvres, les hamsters géants, les grandes
gerboises constituaient un repas savoureux, rôtis, le soir, au-dessus d’un feu.
La fronde de la jeune femme en tua plusieurs que Loup avait levés.
Les rongeurs qui creusaient des terriers rendaient service à la
steppe, en retournant et en aérant la couche de terre superficielle, mais
certains, parmi les plus actifs, modifiaient le caractère du paysage. Le Camp
du Lion, dans sa marche, rencontrait partout les trous des sousliks [9] tachetés, par quantités innombrables, et, en certains endroits, les voyageurs
devaient contourner des centaines de monticules couverts d’herbe, qui
mesuraient près d’un mètre de haut, et dont chacun abritait une communauté de
marmottes des steppes.
Les sousliks étaient la proie préférée des milans noirs, même si
les rapaces aux longues ailes se nourrissaient aussi d’autres rongeurs, sans
compter les insectes et les charognes. En général, les élégants oiseaux
repéraient leurs victimes au cours de leur ascension, mais ils planaient aussi
à la manière du faucon ou volaient bas pour fondre sur leur proie. L’aigle
fauve, également, appréciait ces petits rongeurs prolifiques. Un jour, Ayla
surprit Loup dans une posture qui l’engagea à regarder de plus près. En approchant,
elle vit l’un des grands rapaces d’un brun foncé atterrir près de son aire
construite à même le soi : il apportait un souslik à ses petits. La jeune
femme observa la scène avec intérêt, mais ni elle ni le loup ne troublèrent la
nichée.
Une multitude d’autres oiseaux vivaient de la générosité des
grandes plaines. On voyait partout sur la steppe des alouettes, des pipits, des
lagopèdes, des perdrix, des gélinottes, des outardes et de magnifiques grues d’un
gris bleuté, avec une tête noire et une touffe de plumes blanches entre les
yeux. Ils arrivaient au printemps pour faire leur nid, se nourrissaient d’insectes,
de lézards et de serpents et, à l’automne, traversaient le ciel par grandes
formations en V, dans un concert de cris sonores.
Talut, au début, avait réglé l’allure sur le rythme habituel,
afin de ne pas abuser des forces de ceux qui marchaient moins vite. Mais il se
rendit compte qu’ils avançaient beaucoup plus rapidement que d’ordinaire. Les
chevaux faisaient toute la différence. En portant sur les travois les présents,
les marchandises destinées au troc, les tentes de peau et, sur leur dos, les
membres de la troupe qui avaient besoin d’aide, ils avaient allégé la charge de
chacun. Le chef était heureux de pouvoir accélérer le pas, d’autant qu’ils
allaient devoir se détourner de leur route, mais, en même temps, cela posait un
problème. Il avait prévu l’itinéraire qu’ils allaient emprunter et toutes les
étapes, en tenant compte de certains points d’eau de sa connaissance. A
présent, il devait tout remanier en poursuivant son chemin.
Ils avaient fait halte près d’une petite rivière, bien que la
journée ne fût pas encore avancée. La steppe, par endroits, laissait place à
des bois, le long des cours d’eau, et ils dressèrent le camp sur une grande
prairie en partie cernée d’arbres, Ayla, après avoir détaché Whinney du
travois, décida d’emmener Latie faire une promenade. La jeune fille aimait
aider à prendre soin des chevaux, et les animaux, en retour, lui témoignaient
un grand attachement. Elles partirent toutes deux sur le dos de la jument,
traversèrent un bosquet où se mêlaient les épicéas, les charmes, les bouleaux
et les mélèzes et se trouvèrent dans une petite clairière verdoyante émaillée
de fleurs. Ayla immobilisa leur monture, murmura tout bas à l’oreille de la
jeune fille, assise à califourchon devant elle :
— Ne fais pas un geste, Latie, mais regarde là-bas, au bord
de l’eau. Latie porta son regard dans la direction indiquée, fronça tout d’abord
les sourcils parce qu’elle ne distinguait rien de marquant mais sourit en
voyant une antilope saïga, en compagnie de deux jeunes, lever la tête dans un
mouvement qui exprimait à la fois la méfiance et l’incertitude. La jeune fille
en découvrit alors plusieurs autres. Les cornes en spirale montaient tout droit
du front de la petite antilope, pour se recourber légèrement en arrière à la
pointe. Le nez large, un peu pendant, accentuait
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