Les chasseurs de mammouths
poreuse par les incessants gels et
dégels. Quelques petites plantes tenaces s’étaient enracinées dans la glace.
— Monte, Ayla ! appela Ranec. Fais le tour, tu
grimperas plus facilement.
Elle leva les yeux et l’aperçut debout en haut d’un bloc
légèrement de guingois. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Jondalar à ses
côtés ! Ayla s’exécuta et gravit une série de dalles et de blocs. La
poudre de roche qui recouvrait la glace rendait la surface moins glissante, et
avec quelques précautions on pouvait escalader sans risque. Arrivée au sommet,
Ayla se campa face au vent, les yeux fermés. Les rafales la poussaient comme
pour tester sa résistance et le glacier proche grondait, craquait et menaçait.
Elle leva la tête vers la lumière intense qu’elle voyait même à travers ses
paupières closes et sentit sur sa peau la bataille cosmique que se livraient l’astre
céleste et le froid glacial de la muraille gigantesque. L’air, lui-même,
frissonnait, indécis.
Elle ouvrit les yeux. Le glacier envahissait l’espace. L’énorme,
la formidable et majestueuse étendue glacée rejoignait le ciel et couvrait la
terre à perte de vue. A côté, les montagnes paraissaient insignifiantes. La
vision de l’extraordinaire glacier la remplit d’enthousiasme et lui inspira une
crainte révérencielle. Jondalar et Ranec épiaient sa réaction.
— Je l’avais déjà vu, dit Ranec, mais je pourrais le voir
autant de fois qu’il y a d’étoiles dans le ciel, je ne m’en lasserais jamais.
Ayla et Jondalar approuvèrent.
— Il faut prendre garde, cela peut être dangereux, ajouta
Jondalar.
— Oui, le glacier bouge, précisa Ranec. Parfois il s’étend,
d’autres fois il se retire. Ces blocs sont tombés quand il était là. Au début,
ils étaient bien plus gros. Ils ont rétréci, comme le glacier. Tiens, il me
semble qu’il était plus loin, la dernière fois. Sans doute avance-t-il de
nouveau.
Perchée sur son promontoire, Ayla embrassa l’horizon du regard.
— Oh, regardez ! s’exclama-t-elle en pointant un doigt
vers le sud-est. Des mammouths ! Un troupeau de mammouths !
— Où cela ? s’écria Ranec en proie à une grande
agitation.
La fièvre embrasa les chasseurs. Talut, qui avait sursauté en
entendant parler de mammouths, s’était empressé d’escalader le bloc de glace.
Il atteignit le sommet en quelques enjambées et, la main en visière, scruta l’horizon
dans la direction qu’avait indiquée Ayla.
— Elle a raison ! hurla-t-il, incapable de contenir
son émotion. Les voilà ! Voilà les mammouths !
Ce fut une ruée. Tout le monde se bousculait pour voir les
énormes bêtes aux défenses gigantesques. Ayla se poussa pour laisser sa place à
Brecie.
Un incontestable soulagement accompagnait la fièvre qui s’était
emparée des chasseurs. Les mammouths se montraient enfin. Pour des raisons qui
resteraient mystérieuses, l’Esprit du Mammouth avait décidé d’autoriser ses
créatures temporelles à se présenter devant celles que Mut avait choisies pour
les chasser.
L’une des femmes du Camp de Brecie raconta à l’un des chasseurs
qu’elle avait vu Ayla en haut des blocs de glace, les yeux clos, offrant son
visage aux vents dans une Invocation muette. Et lorsqu’elle avait rouvert les
yeux, les mammouths étaient apparus. L’homme prêta l’oreille d’un air entendu.
Ayla se préparait à descendre de la pile de glace quand Talut s’approcha.
Elle ne l’avait jamais vu sourire avec une telle ferveur.
— Ayla, tu as fait de cet Homme Qui Ordonne le plus heureux
des hommes, déclara le géant à la barbe rousse.
— Mais je n’ai rien fait, protesta Ayla. Je les ai aperçus,
c’est tout.
— C’est beaucoup. Quiconque les aurait vus le premier
aurait fait de moi un homme heureux. Mais je me réjouis que ce soit toi.
Ayla lui adressa un sourire de gratitude. Décidément, ce géant
lui plaisait beaucoup. Elle le considérait comme un oncle, un frère ou un ami,
et elle ne doutait pas qu’il éprouvât les mêmes sentiments envers elle.
— Tu étais sur le point de descendre, Ayla, mais que
regardais-tu ? reprit Talut.
— Oh, rien. J’examinais la forme de cet amas de glace. Tu
vois, là où nous sommes montés il s’incurve, et il repart de l’autre côté.
Talut jeta un bref regard circulaire, puis étudia plus
attentivement l’agencement des blocs de glace.
— Ayla ! Tu as encore fait des tiennes !
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