Les chasseurs de mammouths
incalculables d’oiseaux
migrateurs à s’attarder le temps de bâtir leurs nids et de se reproduire. De
nombreux oiseaux se nourrissaient des larves des batraciens, ainsi que de
quelques adultes, mais aussi de tritons, de serpents, de graines, de bulbes et
des inévitables insectes, ou parfois de petits mammifères.
— Loup se régalerait ici, dit Ayla à Brecie en observant un
couple d’oiseaux qui décrivaient des cercles dans le ciel. (Sa fronde était
prête au cas où les oiseaux daigneraient s’approcher suffisamment du rivage.
Elle refusait de se mouiller pour aller chercher le gibier que ses pierres
atteindraient.) Je lui ai appris à rapporter les proies, et il fait beaucoup de
progrès.
Brecie avait promis à Ayla de lui montrer son Bâton Qui Revient
et elle était curieuse de voir l’adresse tant vantée d’Ayla à la fronde.
Chacune avait été très impressionnée par les talents de l’autre. L’arme de
Brecie était taillée dans un fémur coupé en diagonale, débarrassé de son
épiphyse, et affûté pour obtenir un côté tranchant. Il décrivait un vol
circulaire et si on visait une compagnie d’oiseaux, il pouvait en tuer
plusieurs d’un même jet. Ayla trouvait le Bâton Qui Revient supérieur pour
chasser les oiseaux, mais sa fronde avait davantage d’usages. Elle pouvait, par
exemple, tuer aussi des mammifères.
— Puisque tu as emmené les chevaux, pourquoi avoir laissé
le loup au camp ? demanda Brecie.
— Loup est encore jeune, dit Ayla. Je ne suis pas sûre de
son comportement en face des mammouths et je ne voulais pas risquer de le voir
gâcher la chasse. Les chevaux, c’est différent. Ils nous aideront à rapporter
la viande. Et puis, Rydag se sentira moins seul avec Loup. Ils me manquent tous
les deux.
Brecie aurait bien voulu demander à Ayla s’il était vrai qu’elle
avait mis au monde un fils affublé des mêmes tares physiques que Rydag, mais elle
préféra s’en abstenir. C’était une question trop délicate.
Les jours suivants, ils poursuivirent vers le nord et le paysage
changea. Les marais avaient disparu, et avec eux le tintamarre des oiseaux. Le
sifflement du vent traversait les vastes plaines où aucun arbre ne poussait,
brisant le silence de gémissements inquiétants et sinistres. Le ciel se couvrit
de nuages gris qui empêchaient le soleil de percer et cachaient les étoiles,
mais il pleuvait rarement. Au contraire, l’air devint plus sec et plus froid,
et le vent coupant desséchait jusqu’à la buée exhalée par l’haleine. Parfois,
en fin d’après-midi, dans la monotonie grisâtre des nuages, une brèche s’ouvrait
laissant filtrer l’éclat resplendissant d’un coucher de soleil avivé par la
réflexion sur les cieux saturés d’humidité. Sidérés par la beauté du spectacle,
les voyageurs restaient sans voix.
C’était une terre aux vastes horizons. Les collines moutonnantes
se succédaient sans plis rocheux pour en briser la perspective, ni la verdure
des roseaux pour rehausser les gris, les bruns et les ors poussiéreux. La
plaine semblait s’étendre dans toutes les directions, sauf au nord où un épais
brouillard enveloppait l’horizon et effaçait les distances.
La nature du terrain était un mélange de vertes steppes et de
toundra gelée. Des touffes d’herbes résistantes au gel et à la sécheresse, les
herbacées aux racines profondes, les arbrisseaux nains de sauge et d’armoise
mêlés à la bruyère cendrée, les rhododendrons miniatures, et les fleurs de
myrtilles dominaient le pourpre délicat de la lande. Des buissons d’airelles, à
peine hauts de dix centimètres, promettaient néanmoins une récolte abondante,
et des bouleaux rampaient au sol comme des vignes.
Mais les deux types de climat n’étaient guère profitables aux
arbrisseaux nains quelque peu clairsemés. Dans la toundra, l’été était trop
froid pour la germination des graines. Dans les steppes, les vents hurlants,
qui absorbaient l’humidité avant qu’elle ne se déposât, balayaient les plaines
et contrariaient la pousse des arbres aussi efficacement que le froid. Soumise
à la combinaison des deux, la terre restait à la fois gelée et aride.
Une contrée encore plus morne attendait les chasseurs à mesure
qu’ils approchaient des épaisses brumes blanchâtres. Des rochers nus et des
éboulis jonchaient le sol. Des lichens s’y cramponnaient, croûtes squameuses
jaunâtres, grises, brunes et parfois orange vif, plus près
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