Les chasseurs de mammouths
fallait donc chasser fréquemment. A cette époque de
l’année, les chasseurs du Clan étaient dehors presque chaque jour, afin de mettre
en réserve le plus de viande possible pour l’hiver tout proche. Depuis l’arrivée
d’Ayla, c’était la première fois que le Camp du Lion faisait une expédition de
chasse. Elle-même se posait des questions, mais personne d’autre ne semblait s’inquiéter.
Elle s’arrêta pour observer les hommes et les femmes qui écorchaient et
dépeçaient le petit troupeau. Deux ou trois personnes travaillaient ensemble
sur chaque bête, et le travail s’accomplissait beaucoup plus vite qu’Ayla ne l’aurait
cru possible. Elle se mit du coup à réfléchir aux différences entre ces gens et
le Clan.
Les femmes mamutoï chassaient, de sorte que les chasseurs
étaient plus nombreux. Certes, neuf d’entre eux étaient des hommes, et quatre
seulement des femmes – les mères chassaient rarement –, mais
cela n’en modifiait pas moins la situation. Avec des chasseurs plus nombreux, l’équipe
était plus efficace, et, par la suite, quand tout le monde mettait la main à la
pâte, le traitement des animaux morts était plus rapide, lui aussi. C’était
logique, mais la jeune femme avait l’impression de laisser de côté un élément
important. Les Mamutoï avaient également une façon de penser différente. Ils n’étaient
pas aussi rigides, ils n’étaient pas aussi attachés aux règles qui décidaient
de ce qui était convenable et de ce qui s’était toujours fait. Il existait une
certaine confusion des rôles : le comportement des hommes et des femmes n’était
pas aussi catégoriquement défini. Tout semblait dépendre davantage des
inclinations personnelles, de ce qui fonctionnait le mieux.
Jondalar lui avait dit que, chez son peuple, on n’interdisait à
personne de chasser. Par ailleurs, même si la chasse était importante, et si la
plupart des gens participaient à cette activité, tout au moins quand ils
étaient jeunes, on ne forçait personne à chasser. Les Mamutoï, apparemment,
avaient des coutumes semblables. Jondalar avait essayé de lui expliquer que les
gens pouvaient posséder d’autres talents, d’autres facultés non moins valables.
Il s’était donné en exemple. Après avoir appris à tailler le silex et avoir
acquis une certaine réputation pour la qualité de son travail, il avait été en
mesure de troquer ses outils et ses pointes de sagaies contre tout ce dont il
avait besoin. Il n’avait plus été nécessaire pour lui de chasser, sauf s’il en
avait envie.
Mais Ayla ne comprenait toujours pas. Quel genre de cérémonie d’initiation
faisait-on subir aux jeunes garçons, s’il importait peu qu’un homme fût ou non
chasseur ? Les hommes du Clan se seraient crus perdus s’ils n’avaient pas
eu la conviction que chasser était essentiel. Un jeune garçon ne devenait pas
un homme avant d’avoir abattu sa première grosse proie. Elle pensa ensuite à
Creb. Il n’avait jamais chassé. Il en était incapable : il lui manquait un
œil et un bras, et il était boiteux. Il avait été le plus grand mog-ur, l’homme
du Clan le plus sage, mais jamais il n’avait connu une cérémonie d’initiation.
Au fond de son propre cœur, il n’était pas un homme à part entière. Mais Ayla,
elle, était convaincue du contraire.
Le crépuscule tombait déjà quand ils eurent achevé leur travail.
Pourtant, aucun des chasseurs n’hésita à se dépouiller de ses vêtements avant
de se diriger vers la rivière. Les femmes se baignèrent un peu en amont des
hommes, mais ils ne se perdirent pas de vue les uns les autres. Les peaux
roulées sur elles-mêmes et les carcasses dépecées avaient été entassées en un
seul endroit, et l’on avait allumé des feux tout autour pour tenir en respect
les prédateurs à quatre pattes et les autres nécrophages. Tout ce qui avait
servi à construire la clôture était empilé tout près de là. Sur l’un des feux,
une pièce de viande rôtissait sur une broche, et l’on avait dressé, non loin,
quelques tentes.
Avec la nuit tombante, la température descendit brutalement.
Ayla fut heureuse de revêtir les vêtements mal assortis et de tailles
différentes prêtés par Tulie et Deegie : elle avait lavé sa tenue pour en
faire disparaître les traces de sang, et ses habits, comme bien d’autres,
séchaient près du feu. Elle passa un bon moment avec les chevaux, pour s’assurer
qu’ils
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