Les chasseurs de mammouths
l’ocre rouge participait à de nombreux rites, y compris le dernier,
la mise en terre. Le petit sac qui contenait les racines utilisées pour
préparer le breuvage sacré était l’unique objet rouge qu’eût jamais possédé
Ayla et, après son amulette, il représentait son bien le plus précieux.
Nezzie les rejoignit. Elle portait un grand morceau de cuir
maculé par l’usage. Elle vit Ayla et Deegie ensemble.
— Oh, Deegie, je cherchais quelqu’un pour m’aider,
dit-elle. Je me suis dit que j’allais faire un grand ragoût pour tout le monde.
La chasse au bison a été une belle réussite, et Talut a pensé, m’a-t-il dit,
que nous devions faire un festin pour la célébrer. Veux-tu arranger ce cuir
pour y faire la cuisine ? J’ai disposé des charbons ardents dans la fosse,
près du grand feu, et j’ai mis le cadre par-dessus. Il y a là-bas un sac de
bouse de mammouth séchée, pour entretenir le feu. J’enverrai Danug et Latie
chercher de l’eau.
— Pour un de tes ragoûts, je suis prête à t’aider n’importe
quand, Nezzie.
— Peux aider aussi ? demanda Ayla.
— Et moi ? fit Jondalar.
Il venait de sortir pour parler à Ayla et il avait entendu la
conversation.
— Vous pouvez venir chercher avec moi ce que nous allons
manger, répondit Nezzie.
Elle fit demi-tour pour rentrer.
Ils la suivirent jusqu’à l’une des arches formées par des
défenses de mammouths qui s’ouvraient le long des murs intérieurs. Elle écarta
un pesant rideau un peu raide, fait d’une peau de mammouth qui avait conservé
tout son poil. La double couche de pelage rougeâtre, duveteux en dessous, à
poils très longs en surface, était tournée vers l’extérieur. Un second rideau
était suspendu derrière. Lorsqu’il fut ouvert, les arrivants sentirent un
courant d’air froid. En portant le regard à l’intérieur, faiblement éclairé,
ils découvrirent une grande fosse, de la taille d’une petite pièce. Le fond
était à près d’un mètre du niveau du sol. La fosse était presque pleine de
grosses tranches et de quartiers de viande, ainsi que de carcasses plus
petites.
— Une réserve ! s’écria Jondalar.
Il retenait les lourds rideaux, pendant que Nezzie se laissait
glisser dans la fosse.
— Chez nous aussi, nous conservons de la viande gelée pour
l’hiver, mais elle n’est pas aussi facilement accessible. Nos abris sont
aménagés sous des surplombs de falaise ou devant certaines cavernes. Il est
difficile d’y garder de la viande gelée. Nous la laissons généralement dehors.
— Clan, pendant saison froide, garde viande gelée dans
cache, sous tas de pierres, dit Ayla.
Elle savait maintenant ce qu’était devenue la viande de bison
rapportée de la chasse.
La surprise se peignit sur les visages de Nezzie et de Jondalar.
Jamais il ne leur était venu à l’esprit que les gens du Clan pouvaient
entreposer de la viande pour l’hiver, et ils étaient encore stupéfaits toutes
les fois qu’Ayla mentionnait des activités qui paraissaient si avancées,
tellement humaines. Mais, par ailleurs, les commentaires de Jondalar à propos
des lieux où il vivait n’avaient pas moins surpris la jeune femme. Les Autres,
avait-elle supposé, devaient tous avoir le même genre d’habitat. Elle n’avait
pas envisagé que les habitations semi-souterraines lui fussent aussi étrangères
qu’à elle-même.
— Nous n’avons pas assez de pierres, par ici, pour en faire
des caches, dit la voix sonore de Talut.
Ils levèrent la tête vers le géant à barbe rousse qui s’avançait
vers eux. Il prit la place de Jondalar pour retenir l’un des deux rideaux.
— Tu as décidé de cuisiner un ragoût, Nezzie, m’a dit
Deegie, continua-t-il avec un sourire gourmand. J’ai pensé que j’allais venir t’aider.
— Cet homme-là sent l’odeur de la nourriture avant même qu’elle
soit cuite ! dit en riant Nezzie qui fourrageait dans la fosse.
Jondalar n’avait pas épuisé son intérêt pour les réserves.
— Comment la viande peut-elle rester gelée ?
demanda-t-il. Il fait chaud, dans la galerie.
— En hiver, la terre est dure comme le roc sur toute son
épaisseur, mais, en été, elle fond suffisamment pour permettre de creuser.
Quand nous construisons une galerie, nous creusons le sol assez profondément
pour atteindre la couche qui reste gelée en tout temps, afin d’y aménager des
fosses pour nos réserves. Même en été, les provisions sont froides,
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