Les chasseurs de mammouths
destiner à Talut.
— Oui, j’allais l’emmancher sur un os long, pour Talut...
ou peut-être pour Danug, dit Wymez, avec un sourire à l’adresse du jeune homme.
On s’en sert pour briser les os de mammouth ou pour détacher les défenses. Il
faut un homme puissant pour manier ça. Talut la brandit comme s’il s’agissait d’une
branche. Danug, je crois, est capable d’en faire autant, à présent.
— Oui, il peut. Il coupe arbres pour moi, intervint Ayla.
Son regard d’admiration fit rougir Danug, qui lui sourit
timidement.
Elle avait, elle aussi, façonné et utilisé des haches mais
aucune de cette taille.
— Comment fais-tu une hache ? reprit Wymez.
— Le plus souvent, je commence par détacher au percuteur
une plaque épaisse et je la retouche ensuite sur les deux côtés pour lui donner
un tranchant et une pointe.
— Le peuple de la mère de Ranec, les Atériens, retouchent
les pointes de sagaies pour en faire des bifaces.
— Des bifaces ? Ils font sauter des éclats sur les
deux côtés, comme pour une hache ? Mais, pour obtenir une ligne
suffisamment droite, il faudrait partir d’une plaque épaisse, pas d’une lame
fine et mince. Ne serait-ce pas trop malaisé pour une pointe de sagaie ?
— La pointe était parfois épaisse et lourde, mais c’était
un vrai progrès sur la hache. Et très efficace pour tuer les animaux qu’ils
chassaient. Pourtant, tu as raison. Pour blesser un mammouth ou un rhinocéros,
il faut une pointe de silex à la fois longue, droite, solide et mince. Comment
t’y prendrais-tu ? demanda Wymez.
— Avec un biface. C’est le seul moyen. Sur une plaque de
cette épaisseur, je retoucherais en exerçant une pression à plat, pour débiter
de minces éclats des deux côtés.
Jondalar parlait d’un ton méditatif : il s’efforçait d’imaginer
la manière dont il façonnerait une telle arme.
— Mais il faudrait pour cela une énorme maîtrise.
— Exactement. Le problème, c’est à la fois la maîtrise et
la qualité de la pierre.
— C’est vrai. Il faudrait qu’elle soit fraîche. Dalanar, l’homme
qui m’a enseigné le métier, vit près d’une falaise crayeuse qui renferme du
silex au niveau le plus bas. Peut-être certains rognons de sa pierre
conviendraient-ils. Mais, même ainsi, ce serait difficile. Nous avons façonné
quelques belles haches, mais j’ignore comment on pourrait obtenir une pointe
convenable de cette façon-là.
Wymez prit un autre paquet, enveloppé d’une belle peau souple.
Il l’ouvrit avec soin, et mit au jour une série de pointes en silex.
Jondalar ouvrit tout grands des yeux stupéfaits. Il regarda
Wymez, puis Danug, qui souriait avec fierté du succès de son maître. L’homme blond
prit l’une des pointes. Il la tourna, la retourna entre ses mains. Il caressait
presque la pierre délicatement travaillée.
Le silex, au contact, semblait glissant, il avait un aspect
satiné, un chatoiement qui faisait briller au soleil les multiples facettes. La
pointe avait la forme d’une feuille de saule, elle avait une symétrie presque
parfaite dans toutes ses dimensions et elle faisait toute la longueur de la
main de Jondalar, de la base de la paume au bout des doigts. Elle partait d’une
pointe à une extrémité pour atteindre, au milieu, la largeur de quatre doigts
et retrouver une autre pointe à l’extrémité opposée. Jondalar la posa de chant
sur sa main. C’était vrai : elle n’avait pas la courbure caractéristique
des outils à lame. Elle était parfaitement droite, et sa section médiane avait
à peu près l’épaisseur de son petit doigt.
D’un geste professionnel, il tâta le tranchant : très
affilé, tout juste un peu dentelé par les traces des nombreux éclats minuscules
qu’on avait fait sauter. Du bout des doigts, il passa légèrement sur toute la
surface, sentit les petites arêtes laissées par la multitude d’autres éclats
qui avaient été détachés pour donner à la pointe du silex une forme aussi pure,
aussi précise.
— C’est bien trop beau pour s’en servir comme d’une arme,
déclara Jondalar. C’est une œuvre d’art.
La louange d’un autre artiste dans son propre métier fit plaisir
à Wymez.
— Cette pointe n’est pas utilisée comme arme, dit-il. J’ai
voulu en faire un modèle, pour montrer la technique.
Ayla tendit le cou pour voir de plus près les instruments
délicatement façonnés nichés dans la peau souple. Elle n’osait pas
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