Les chasseurs de mammouths
tête. La plupart des occupants du Camp du Lion étaient là et lui
souriaient.
— Comment fais-tu, Ayla ? demanda Tronie. Certaines
personnes, je le sais, sont capables d’imiter le chant d’un oiseau ou le cri d’un
autre animal, mais toi, tu le fais si bien qu’ils s’y trompent. Jamais je n’ai
rencontré personne qui exerce un tel pouvoir sur les bêtes.
Ayla rougit, comme si elle avait été surprise à agir... comme il
ne fallait pas, à se montrer différente des autres. En dépit des sourires, des
manifestations d’approbation, elle se sentait mal à l’aise. Elle ne savait
comment répondre à la question de Tronie. Elle ne savait comment expliquer que,
lorsqu’on vit complètement seul, on a tout le temps de s’entraîner à siffler
comme un oiseau. Quand on n’a personne au monde vers qui se tourner, un cheval
ou même un lion peut devenir un compagnon. Lorsqu’on ignore s’il existe au
monde une autre créature qui vous ressemble, on cherche, de toutes les manières
possibles, à entrer en contact avec un autre être vivant.
10
Au début de l’après-midi, il se fit une accalmie dans les
activités du Camp du Lion. Le repas le plus abondant de la journée avait
généralement lieu aux environs de midi, mais la plupart des Mamutoï préférèrent
le sauter ou se contentèrent de grignoter les restes du repas du matin, en
prévision du festin qui, même s’il était improvisé, promettait d’être
succulent. On se détendait. Certains faisaient la sieste, d’autres allaient de
temps en temps surveiller les plats qui cuisaient, quelques-uns s’entretenaient
à voix contenues. Il planait néanmoins sur l’assemblée une atmosphère de
surexcitation, et chacun attendait avec impatience une soirée hors du commun.
A l’intérieur, Ayla et Tronie écoutaient Deegie leur détailler
sa visite au camp de Branag et les dispositions qui avaient été prises pour
leur Union. Au début, Ayla avait montré un intérêt marqué, mais, quand les deux
autres jeunes femmes se mirent à parler de tel ou tel parent, de tel ou tel
ami, tous gens qu’elle ne connaissait pas, elle se leva en disant qu’elle
allait voir comment se comportaient les lagopèdes et elle sortit. En écoutant
Deegie parler de Branag et de leur Union prochaine, elle s’était prise à songer
à sa relation avec Jondalar. Il avait bien dit qu’il l’aimait mais jamais il n’avait
proposé de s’unir à elle ni parlé d’une Union, et elle se demandait pourquoi.
Elle alla jusqu’à la fosse où cuisaient ses oiseaux, vérifia que
la chaleur était constante. Elle remarqua alors, un peu à l’écart, là où ils
travaillaient généralement pour ne pas gêner les allées et venues habituelles,
Wymez et Danug, en compagnie de Jondalar. Elle savait de quoi ils s’entretenaient.
Même si elle l’avait ignoré, elle aurait pu le deviner. Autour d’eux s’éparpillaient
des rognons de silex brisés et des éclats acérés, et plusieurs gros blocs de la
même pierre gisaient sur le sol, près des trois façonneurs d’outils. Il lui
arrivait souvent de se demander comment ils faisaient pour consacrer tant de
temps à parler de silex. Ils avaient bien dû, à présent, épuiser le sujet.
Sans être experte, Ayla, avant l’arrivée de Jondalar, avait
fabriqué ses propres outils en pierre taillée, et ils avaient suffi à ses
besoins. Souvent, durant son enfance, elle avait observé Droog, le façonneur d’outils
du Clan, et elle s’était entraînée en copiant ses techniques. Mais, la première
fois qu’elle avait regardé travailler Jondalar, elle avait compris que le
talent de son compagnon dépassait le sien de très loin. Il existait une
certaine similitude dans la sensibilité à l’égard du métier et peut-être même
dans une relative habileté. Mais les méthodes de Jondalar et les outils dont il
se servait dépassaient de loin ceux du Clan. Elle était curieuse de connaître
les méthodes de Wymez et elle avait pensé lui demander si elle pourrait un jour
le regarder travailler. Elle décida que le moment était bien choisi.
Jondalar avait senti sa présence dès qu’elle était sortie de l’habitation
mais il s’efforçait de ne pas le montrer. Depuis qu’elle avait fait sa
démonstration à la fronde, sur les steppes, elle l’évitait, il en était
convaincu, et il ne voulait pas s’imposer à elle si elle ne le souhaitait pas.
Lorsqu’elle se dirigea vers les trois hommes, l’inquiétude lui
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