Les chasseurs de mammouths
noua l’estomac :
il craignait de la voir faire volte-face.
— Si pas déranger, aimerais regarder travailler, dit Ayla.
— Bien sûr. Assieds-toi, répondit Wymez, avec un sourire de
bienvenue.
Jondalar se détendit visiblement : son front plissé se
dérida, la crispation de sa mâchoire disparut. Quand la jeune femme s’assit
près de lui, Danug voulut lui parler, mais le seul fait de sa présence le
rendait muet. Jondalar reconnut dans ses yeux un regard de pure adoration. Il
réprima un sourire indulgent. Il s’était pris d’une véritable affection pour le
jeune homme, et cette passion d’amoureux transi ne pouvait lui porter ombrage.
Elle lui permettait de se prendre un peu pour un frère aîné protecteur.
Wymez reprit une discussion que, de toute évidence, Ayla avait
interrompue.
— Ta technique est-elle communément utilisée,
Jondalar ? demanda-t-il.
— Plus ou moins. La plupart des gens détachent des lames d’un
rognon préparé pour en faire d’autres outils : des burins, des couteaux,
des grattoirs ou encore des pointes pour les sagaies les plus petites.
— Et pour les grandes ? Chassez-vous le
mammouth ?
— Parfois, répondit Jondalar. Mais nous ne nous
spécialisons pas comme vous dans cette chasse. Les pointes destinées aux
sagaies plus grandes sont taillées dans l’os... Pour ma part, j’aime assez me
servir d’un tibia de cerf. On utilise un burin pour le dégrossir. On creuse des
sillons sur la longueur et on y repasse jusqu’au moment où l’os se brise. On le
racle ensuite avec un grattoir ménagé sur le tranchant d’une lame, afin de lui
donner la forme voulue. Avec du grès mouillé, on peut obtenir une pointe solide
et acérée.
Ayla l’avait aidé à façonner les pointes de sagaie en os qu’ils
utilisaient. Elles étaient longues et mortelles et s’enfonçaient très avant
quand on les lançait avec force, particulièrement avec le propulseur.
Plus légère que celles dont elle s’était servie avant son
arrivée, et qui étaient copiées sur le modèle employé par le Clan, les sagaies
de Jondalar étaient toutes faites pour être lancées et non pour frapper de
près.
— Une pointe en os fait de profondes blessures, déclara
Wymez. Si l’on touche un endroit vital, la mort est rapide, mais il n’y a pas
beaucoup de sang. Il est plus difficile d’atteindre un point vital sur un
mammouth ou sur un rhinocéros. La fourrure est drue, la peau épaisse. Si tu
parviens à passer entre deux côtes, il faut encore traverser d’énormes couches
de graisse et de muscle. L’œil fait une bonne cible, mais il est petit et sans
cesse en mouvement. On peut tuer un mammouth en lui plantant une sagaie dans la
gorge, mais c’est dangereux. On est obligé d’approcher l’animal de trop près.
Une pointe de sagaie en silex a des bords très tranchants. Elle se fraie plus
aisément un chemin à travers une peau dure, elle tire du sang, ce qui affaiblit
l’animal. Si tu peux les faire saigner, les boyaux ou la vessie représentent
les meilleures cibles. C’est un peu moins rapide mais plus sûr.
Ayla était fascinée. La fabrication des outils constituait déjà
un sujet intéressant, mais jamais elle n’avait chassé le mammouth.
— Tu as raison, dit Jondalar. Mais comment faire une pointe
de sagaie bien droite ? Tu peux t’y prendre de n’importe quelle façon pour
débiter une lame de silex, elle est toujours incurvée. C’est dans la nature de
la pierre. Tu ne peux pas lancer une sagaie qui aurait une pointe
incurvée : tu perdrais de ta précision, de ta force de pénétration et,
probablement, la moitié de ta vigueur. Voilà pourquoi les pointes en silex sont
petites. Quand tu as fini d’éliminer assez de pierre par le dessous pour
obtenir une pointe bien droite, il ne reste plus grand-chose.
Wymez souriait, hochait la tête pour manifester son approbation.
— C’est vrai, Jondalar, mais laisse-moi te montrer quelque
chose. L’aîné des deux hommes prit derrière lui un paquet pesant, enveloppé de
peau. Il l’ouvrit, en sortit une énorme tête de hache, taillée dans un rognon
de silex entier. Elle comportait un talon arrondi, et l’autre extrémité, assez
épaisse, avait été façonnée jusqu’à une lame affilée qui se terminait en
pointe.
— Tu as déjà fait quelque chose de cette sorte, j’en suis
sûr. Jondalar sourit.
— Oui, j’ai fait des haches, mais rien d’aussi gros que ça.
Tu dois la
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