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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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visite du bailli.
    — Les nouvelles voyagent à bon train, commenta Agnès.
    — Pas même. Monge de Brineux est d’abord passé aux
Clairets. Juste après laudes*.
    — Et pourquoi s’est-il présenté avant l’aube à
l’abbaye ?
    — Afin de s’y entretenir avec notre mère. C’est ainsi
que nous avons appris qu’il repartait ensuite pour Souarcy. Je n’en sais pas
beaucoup plus. Notre mère m’a demandé de venir m’assurer que vous vous portiez
bien, ce que j’eus fait si sa pensée n’avait devancé la mienne, ajouta Jeanne
d’Amblin. Quelle horreur que ces meurtres, car il s’agit bien de meurtres,
n’est-ce pas ?
    — Tout porte à le croire.
    — Une horreur, répéta la religieuse en plaquant la main
sur le gros crucifix de bois qui pendait à son cou. Des moines... Sœur Adélaïde
a raison. Cette histoire de tonsure est un tel mystère... Enfin, pourquoi ces
trois moines, peut-être même quatre, laissaient-ils leurs cheveux
repousser ?
    — Afin de se fondre, de passer inaperçus, je suppose.
    — Hum... C’est une hypothèse convaincante. Du moins
semble-t-elle appropriée dans le cas du deuxième, cet émissaire papal qu’a
rencontré notre mère. Elle était si bouleversée après sa visite. Bien sûr, nous
n’avons relié son émotion à lui que bien après, puisque nous ignorions sa
mission.
    — Et la missive dont il était porteur ? s’enquit
Agnès, bien que connaissant la réponse à cette question grâce au bailli.
    — Volatilisée. Notre mère en a perdu l’appétit. Elle a
refusé d’en divulguer le contenu et, la connaissant, je ne doute pas de
l’excellence de ses raisons.
    — Mais les autres victimes...
    — ... ne nous avaient pas visitées, si c’est là votre
question. Peu d’hommes à l’exception du chapelain et de nos jeunes élèves sont
admis en nos murs, sans quoi nous aurions eu grand mal à être formelles. L’état
de leurs visages rendait leur reconnaissance ardue.
    Elle s’interrompit et considéra Agnès, un air sombre sur le
visage, avant de poursuivre :
    — Quelque chose de terrible est en train de se tramer,
je le sens. Je ne suis pas la seule, d’ailleurs. Thibaude de Gartempe, notre
hôtelière, d’autres, jusqu’à Yolande de Fleury, que rien ne semble jamais
assombrir, s’alarment elles aussi. Le silence désespéré de notre mère concourt
à notre inquiétude. Car il est désespéré. Elle s’est murée en elle-même afin de
nous protéger  – toutes ses filles  – de je ne sais trop quoi. Nous
avons peur, madame...
    Agnès n’en doutait pas. Une ombre tenace semblait s’être
glissée dans le regard d’habitude enjoué et limpide de la sœur tourière, qui
poursuivit :
    — J’ai peur d’une chose inconnue, dont je ne cerne
aucun contour... C’est comme si une sorte de nuée pernicieuse s’apprêtait à
fondre sur nous, comme si une bête maléfique se rapprochait en sournoiserie.
Vous allez penser que je divague comme une vieille folle superstitieuse.
    — Certes pas. Vous venez de résumer mon intuition. Je
redoute, moi aussi... je ne sais quoi.
    Il s’agissait là d’un demi-mensonge. Sa crainte était
partiellement identifiée : Eudes. Pourtant, à l’instar de la religieuse,
Agnès pressentait que quelque chose de bien plus redoutable se déployait en
secret pour les frapper de plein fouet.
    Jeanne d’Amblin hésita, puis sembla se décider :
    — Si je suis venue aujourd’hui, c’est certes pour
prendre de vos nouvelles, mais aussi... comment dire... Enfin, nous nous
demandions si messire de Brineux vous avait confié... que sais-je, un détail
qui nous permette d’y voir plus clair, de rassurer notre mère, de gagner en
compréhension, peut-être même de l’aider, de protéger d’autres pauvres
victimes ?
    — Non, et très franchement, j’ai eu le sentiment qu’il
avançait, comme nous, dans le brouillard.
    Peu après le départ de la sœur tourière, Agnès décida de se
détendre en allant vérifier si Vigil était rentré de sa fugue. Il était
coutumier de ces escapades qui l’éloignaient parfois une journée du pigeonnier,
mais refaisait toujours apparition au soir pour veiller sur ses femelles. Elle
ne l’avait pas aperçu la veille, et une vague inquiétude pour l’oiseau insolent
s’ajoutait à l’humeur sombre qui ne la quittait plus. Certains chasseurs sont
si hâtifs et peu scrupuleux.
    Vigil n’était pas dans le pigeonnier, ni perché au faîte du
toit

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