Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
de sang, et cela pour une raison que j’ignore. Admettons.
Je... j’ignore ce que je fais au juste, toujours est-il que je tue ces hommes.
Cependant, je tiens à maquiller mes crimes en attaques de bête sauvage. Un
ours, peut-être, on peut les rencontrer dans nos bois. Et je serais assez
stupide pour simuler cet assaut en ne m’en prenant qu’au visage, à rien
d’autre, pas même aux vêtements ? N’importe quel paysan ou chasseur vous
aurait renseigné sur l’instant. Même votre gros benêt de sergent ne s’y est pas
laissé prendre ! Il ne s’agissait pas d’une bête, un enfant de cinq ans
l’aurait deviné. Ce qui amène ma remarque. L’assassin était-il demeuré d’esprit
ou beaucoup plus rusé que vous ne le supposez ?
    — Qu’insinuez-vous, madame ?
    — Je n’insinue rien, j’affirme. J’affirme que cet
odieux criminel voulait, au contraire, attirer l’attention sur ces meurtres. Au
demeurant, ne trouvez-vous pas étrange que tous les quatre aient été découverts
aussi rapidement ? Deux mois, avez-vous dit. Tant d’autres, j’en suis
certaine, jetés dans les ravins, enfouis dans les grottes, lestés et abandonnés
aux rivières et aux poissons qui les peuplent ou réduits en cendres, ne seront
jamais retrouvés. Avouez que le fil qui tisse toute cette histoire est bien
grossier.
    Clément ne vit pas le sourire naître sur les lèvres du
bailli. Celui-ci était étonné, non pas qu’une femme fasse preuve d’une
intelligence et d’une vivacité d’esprit qu’il aurait souhaitées à la plupart de
ses hommes  – après tout, son épouse Julienne était sa plus précieuse
conseillère  –, mais plutôt qu’elle n’hésite pas à le contredire de façon
aussi ouverte.
    Il se leva pour prendre congé et déclara d’un ton
amusé :
    — Vous feriez, madame, le délice du comte d’Authon, mon
maître. Il était parvenu à la même conclusion que vous. Reste que nous avons
quatre morts, dont trois moines  – peut-être même quatre, sait-on jamais
 –, sur les bras, et une lettre bien répétitive, peut-être gravée par les
victimes, peut-être par leur agresseur.
    Son sourire mourut pour être remplacé par un pincement de
lèvres qui trahissait sa perplexité :
    — Encore un détail que j’hésitais à vous révéler...
    Il tira de sa chausse de cuir un petit carré d’étoffe bleu
pâle qu’il déplia devant ses yeux :
    — Reconnaissez-vous ce mouchoir de batiste,
madame ? Il porte votre initiale brodée dans un coin.
    Mabile, ou même Eudes en personne. Clément en était certain.
Le demi-frère d’Agnès aurait pu dérober ce mouchoir lors de sa dernière visite.
La chronologie n’était pas aberrante.
    — En effet, il m’appartient, concéda Agnès.
    — Nous l’avons découvert accroché à une branche basse,
à une toise de la deuxième victime.
    — Ainsi, en plus d’être sanguinaire et fort sotte, je
serais bien maladroite d’aller courir à travers bois, un mouchoir de batiste à
la main, un griffoir dans l’autre ! Quel portrait peu flatteur vous brossez
de moi, monsieur.
    — Oh... Certes pas, madame, il me faudrait être à mon
tour bien fol pour m’y risquer, plaisanta Monge de Brineux. Je dois repartir,
la route est longue jusqu’à Authon. Croyez que ce moment fut plus plaisant que
je ne le redoutais. Je vous salue, madame. Je vous en prie... Je retrouverai
seul le chemin de ma monture.
    Clément entendit le pas du bailli s’éloigner en direction de
la grande porte donnant sur la cour. Le pas marqua un arrêt :
    — Madame... J’avoue encore osciller dans ma conviction.
Cependant, si vos dires s’avéraient exacts, je ne saurais trop vous conseiller
de vous méfier.
    Quelques secondes plus tard, Clément sortit de sa cachette
et s’avança vers Agnès.
    — Tu écoutais ?
    — Oui, madame.
    — Qu’en penses-tu ?
    — Je suis inquiet. Le bailli a raison, il nous faut
redoubler de vigilance.
    — Crois-tu qu’Eudes soit derrière cette
machination ?
    — S’il l’est, je doute qu’il en soit l’instigateur. Il
n’est pas stratège. L’espionnage de votre maison lui allait bien mieux.
    — Il peut être conseillé par une tête mieux faite. De
surcroît, que faisait mon mouchoir dans cette forêt ?
    — Mabile ?
    — Pourquoi pas ? Elle est rusée et je pense
qu’elle a développé une sorte de haine à notre encontre... La haine des
faibles, qui préfèrent s’en prendre aux dominés pour

Weitere Kostenlose Bücher