Les chevaliers de la table ronde
trompes, car pour moi, c’est chose facile.
— Si tu réussis à rejoindre le Twrch Trwyth, il y a une
chose que tu ne réussiras pas à obtenir : car le Twrch Trwyth ne peut être
tué que par l’épée de Gwrnach le Géant. Or Gwrnach ne frappera jamais le sanglier,
car il périrait immédiatement en même temps que lui, et il ne donne son épée à
personne. Tu ne pourrais pas l’y contraindre par la force. – Si tu crois que je
ne réussirai pas, tu te trompes, car pour moi, c’est chose facile. – En tout
cas, conclut Yspaddaden Penkawr, je t’ai indiqué tout ce que je voulais obtenir
pour que tu puisses prétendre avoir ma fille. Si tu ne m’obtiens pas ce que je
t’ai demandé, tu n’auras jamais ma fille. – Tu auras tout ce que tu as demandé,
répondit Kilourh, et cela grâce à mon parent, le roi Arthur. » Et sur ces
paroles, Kilourh sortit avec ses compagnons.
Ce jour-là, ils marchèrent jusqu’au soir et finirent par apercevoir
une grande forteresse sur un tertre. Ils virent en sortir un homme noir plus
gros que trois hommes de ce monde-ci à la fois. Ils lui demandèrent d’où il
venait et quel était le maître de la forteresse. « Vous êtes vraiment sans
intelligence, répondit l’homme noir. Il n’y a personne au monde qui ne sache
quel est le maître de ces lieux : c’est Gwrnach le Géant. – C’est bien, dit
Kaï. Quel accueil y réserve-t-on aux hôtes et aux étrangers qui voudraient y
passer la nuit ? – Prince, que Dieu vous protège ! Jamais personne n’a
logé dans cette forteresse qui en soit sorti en vie. D’ailleurs, on n’y laisse
entrer que l’artiste qui apporte avec lui son art [110] . »
Ils se dirigèrent vers la forteresse et se trouvèrent en présence
du portier. « Ouvre la porte, dit Kaï. – Non, répondit le portier. Le
couteau est allé dans la viande, la boisson dans la coupe et l’on fait la fête
dans la salle de Gwrnach. Ce n’est qu’à l’artiste qui apportera son art que l’on
ouvrira la porte désormais, cette nuit. – Qu’à cela ne tienne ! s’écria
Kaï. Sais-tu que je suis le meilleur polisseur d’épées du monde ? »
Le portier entra et s’en alla trouver Gwrnach. « Quoi de nouveau à l’entrée ? »
demanda Gwrnach. Le portier répondit : « Il y a là une compagnie qui
demande à entrer, et parmi eux un homme qui prétend être un bon polisseur d’épées.
Avons-nous besoin de lui ? – Il y a déjà longtemps que je cherche quelqu’un
capable de nettoyer mon épée, dit Gwrnach. Laisse entrer celui-là puisqu’il
apporte un art. »
Le portier alla ouvrir la porte. Kaï entra et salua Gwrnach
Gawr. « Est-il vrai, dit celui-ci, que tu sais polir les épées ? – C’est
la vérité », répondit Kaï. On lui apporta l’épée. Kaï tira de dessous son
manteau une pierre à aiguiser en marbre et il se mit au travail. Et Gwrnach
admira fort l’habileté de Kaï. « C’est pitié, dit-il, qu’un homme d’aussi
grande valeur que toi soit sans compagnon. Lequel de ceux qui sont avec toi
désires-tu que je fasse entrer ? – Que le portier sorte, dit Kaï. Voici à
quel signe il le reconnaîtra : la pointe de sa lance se détachera de la
hampe, elle tirera du sang du vent et descendra de nouveau sur la hampe. »
La porte fut ouverte, et Bedwyr entra, rejoignant Kaï auprès de Gwrnach.
Cependant, il y avait une grande discussion parmi ceux qui
étaient restés dehors, à cause de l’entrée de Kaï et de Bedwyr. L’un d’entre
eux, un jeune homme, le fils de Kustennin le berger, parvint à entrer et, ses
compagnons s’attachant à ses pas, il traversa les trois cours et arriva auprès
de la maison royale. Ses compagnons lui dirent alors : « Puisque tu
as fait cela, tu es le meilleur des hommes ».
Et c’est depuis qu’il fut appelé Goreu (« meilleur »), fils de
Kustennin. Ils se dispersèrent ensuite dans la forteresse pour aller dans les
différents logis et y tuer tous ceux qui s’y trouvaient sans que le géant le
sût.
Quand l’épée fut remise en état, Kaï la remit entre les
mains de Gwrnach, lui demandant si le travail lui plaisait. « C’est parfait,
dit le géant. – C’est le fourreau qui a gâté l’épée, continua Kaï. Donne-la-moi
encore pour que je lui enlève ses garnitures de bois et que j’en remette des
neuves. » Il prit le fourreau d’une main, l’épée de l’autre, et, debout, au-dessus
du géant, comme s’il voulait remettre
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