Les chevaliers de la table ronde
était assurée pour longtemps. Mais il m’entraîna
dans les profondeurs, et ce ne fut qu’à grand-peine que je pus me débarrasser
de lui. Moi et mes parents, nous nous mîmes en campagne avec ardeur pour tâcher
de le mettre en pièces, mais il m’envoya des messagers pour s’arranger avec moi.
Il vint en personne me livrer de son dos cinquante harponnées de chair. Si lui
ne sait rien de ce que vous recherchez, je ne connais personne qui puisse le
savoir. Je vous guiderai en tout cas jusqu’auprès de lui. »
Quand ils furent arrivés à l’étang, l’aigle dit :
« Saumon du lac Lliw, je suis venu vers toi avec les messagers d’Arthur
pour te demander si tu sais quelque chose au sujet de Mabon, fils de Modron, qui
a été enlevé à sa mère la troisième nuit de sa naissance. – Tout ce que je sais,
je vais vous le dire : je remonte la rivière avec chaque marée jusqu’à l’angle
des murs de Kaer Loyw (Gloucester), et c’est là que j’ai éprouvé le plus grand
mal de ma vie. Si vous voulez savoir pourquoi, que deux d’entre vous montent
sur mon dos, un sur chaque épaule [111] . »
Kaï et Merlin montèrent sur les épaules du saumon. Ils arrivèrent
auprès de la muraille et entendirent de l’autre côté des lamentations. De toute
évidence, il y avait un prisonnier derrière la muraille. « Qui donc es-tu ? »
cria Kaï. Une voix faible lui répondit : « Hélas, homme ! il a
le droit de se lamenter, celui qui est ici dans cette prison de pierre : c’est
Mabon, fils de Modron. Personne n’a été plus cruellement traité que moi comme
prisonnier ! – Que peut-on faire pour que tu sois libéré ? Est-ce
avec de l’or et de l’argent ? – On ne peut s’attendre à me libérer que par
un combat. »
Kaï, Bedwyr et Merlin retournèrent auprès d’Arthur pour lui
raconter comment ils avaient découvert où était retenu Mabon, fils de Modron. Arthur
convoqua tous ses compagnons et ils s’avancèrent jusqu’aux murailles de Kaer
Loyw. Kaï et Bedwyr montèrent sur les épaules du saumon, et pendant qu’Arthur
et ses hommes donnaient l’assaut à la forteresse, Kaï fit une brèche dans la
paroi de la prison et ramena le prisonnier sur son dos. Les hommes continuèrent
à se battre et Arthur revint chez lui en compagnie de Mabon. Puis il envoya ses
hommes à la recherche de tout ce qu’avait pu demander Yspaddaden Penkawr à
Kilourh.
Un jour que Merlin franchissait une montagne, il entendit
des lamentations et des cris qui faisaient peine. Il se précipita de ce côté. Parvenu
sur les lieux, il aperçut une énorme fourmilière qui était la proie des flammes.
Il saisit un bâton et coupa la butte des fourmis au ras du sol, les délivrant
ainsi du feu. Les fourmis lui dirent : « Emporte avec toi la
bénédiction de Dieu et la nôtre. Un service qu’aucun homme ne pourrait te
rendre, nous nous engageons à te le rendre. » Alors Merlin leur expliqua
qu’il cherchait le lin qui avait été dispersé dans le champ. Aussitôt, les
fourmis se mirent au travail et elles ne tardèrent pas à arriver avec les neuf
setiers de graines de lin qu’avait réclamés Yspaddaden Penkawr, parfaitement
mesurés, sans qu’il y manquât autre chose qu’un seul grain. Encore, ce dernier
grain fut-il apporté avant la nuit par une fourmi qui boitait.
Puis Merlin se mit en quête d’Amaethon, fils de Dôn, et
lança un charme sur lui de telle sorte qu’il le suivit sans chercher à savoir
quoi que ce fût. Ensuite, il alla trouver Govannon et lui jeta un charme
semblable. Enfin, il les emmena tous les deux dans le champ qu’Yspaddaden Penkawr
avait désigné. Amaethon et Govannon firent tant et tant qu’au bout de la
journée tout le champ fut défriché, labouré, débarrassé de son fer et semé. Et,
le soir, la moisson de froment fut coupée, battue et engrangée. Et pendant que
Merlin travaillait ainsi, Arthur, accompagné de Kilourh et de Mabon, avait
entrepris de débusquer le sanglier dont il fallait arracher la défense tant qu’il
était encore vivant. Ils le poursuivirent longtemps dans les bois et, finalement,
Kilourh parvint à sauter sur le dos de la bête. Alors, d’un geste d’une extrême
violence, il lui arracha l’une de ses défenses et, d’un coup de hache, lui
fendit le crâne. Quant à Bedwyr, accompagné de Kaï, il était allé chercher le
chaudron de Diwrnach le Gaël qu’Arthur et lui-même avaient réussi à ramener d’une
île
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