Les chevaliers de la table ronde
veux savoir, dit-il, comment est mort Faunus. »
« Elle comprit bien qu’elle n’obtiendrait rien de Félix
si elle ne racontait ce qui était arrivé. Elle lui révéla donc comment elle s’était
débarrassée de Faunus. « Le monde entier devrait te haïr pour cette action
déplorable ! s’écria Félix au comble de la fureur. Et personne ne devrait
avoir l’audace de t’aimer après une telle trahison, moi encore moins que les
autres ! » Et, sans ajouter un mot, il tira son épée, saisit Diane
par sa chevelure et lui coupa la tête. Et c’est parce que le cadavre de Diane
fut jeté dans ce lac et parce qu’elle aimait tant vivre sur ses rivages qu’il
fut appelé le Lac de Diane et qu’il le sera ainsi jusqu’à la fin des temps. »
Ainsi parla Merlin. La jeune fille demeurait toute rêveuse, et
Merlin se demandait si elle n’était pas capable d’une telle trahison à son
encontre. « Dis-moi, Merlin, demanda-t-elle, qu’est devenu le manoir que
Diane avait fait construire sur ses bords ? – Quand il apprit que Faunus
était mort dans de telles conditions, répondit Merlin, son père fit démolir
tout ce qui rappelait le souvenir de Diane. – Il eut grand tort, dit la jeune
fille, car cet endroit est charmant. Je jure que je ne quitterai plus cet
endroit qui a pour moi tant d’attrait, avant d’y avoir fait construire une
demeure plus belle et plus somptueuse encore que celle de Diane, et j’y
passerai le reste de mes jours. Merlin, tu m’as promis de ne jamais me
contrarier dans mes désirs : je t’en prie, utilise tes pouvoirs pour me
construire un palais si beau qu’on n’en verra jamais de semblable et qui soit
si solide qu’il puisse durer jusqu’à la fin des temps ! – Tu le veux
vraiment ? demanda Merlin. – C’est mon plus cher désir », répondit
Viviane.
Merlin se mit à marcher le long du rivage. De temps à autre,
il se baissait, ramassait un galet, le tournait dans ses mains, l’examinait
soigneusement, puis le rejetait sans prononcer une seule parole. À la fin, il
en garda un plus longtemps, le soupesa avec attention, puis il demanda à
Viviane de le prendre dans sa main droite et de ne jamais le lâcher quoi qu’il
pût arriver.
Puis il s’éloigna du lac, gagna l’orée du bois, examina les
arbres les uns après les autres. Il s’arrêta devant un jeune sorbier, sortit
son couteau de sa poche et en coupa un rameau qui semblait encore très souple. Il
revint alors vers le lac en élaguant la branche qu’il venait de cueillir, avant
de l’écorcer soigneusement. Cela fait, il demanda à Viviane de bien regarder ce
qu’il faisait et se mit, avec son couteau, à tracer des signes sur le bois. Quand
il eut terminé, il prit la baguette de sa main gauche, la dirigeant droit
devant lui et, de sa main droite, il saisit la main gauche de Viviane. « Quoi
qu’il arrive, quoi que tu puisses voir ou entendre, dit-il, ne lâche jamais ma
main. »
Il l’entraîna alors vers le lac. « Ne crains rien et
continue d’avancer au même rythme que moi », dit-il encore. Et, résolument,
entraînant Viviane avec lui, il continua de marcher, quittant le rivage de
terre et pénétrant dans les eaux du lac. Mais Viviane s’étonnait de ne sentir
ni froid ni humidité. Ils s’enfonçaient tous les deux lentement dans les
profondeurs du lac comme s’ils étaient en train de franchir la barrière
indécise d’un rideau de brouillard. Leurs têtes disparurent bientôt sous la
surface des eaux et d’étranges lumières se mirent à briller de toutes parts
comme les rayons du soleil à travers une muraille de cristal. Puis, peu à peu, Viviane
aperçut un pont de verre qui reliait les deux bords d’un fossé dont on ne
distinguait pas le fond, tant il était obscur. Et, de l’autre côté, une porte
était encastrée dans de hauts murs comparables à ceux d’une forteresse, mais
qui offraient la particularité d’être d’une matière brillante et translucide. Ils
passèrent le pont et la porte s’ouvrit devant eux : ils se trouvèrent
alors dans une forteresse, avec ses rues, ses cours, ses bâtiments, avec aussi
un verger rempli d’arbres couverts de fruits et de massifs de fleurs qui répandaient
une odeur des plus suaves. Ils parcoururent les rues, pénétrèrent dans des
logis qui, tous, étaient meublés de façon superbe, avec de magnifiques
tapisseries et de larges fenêtres par où se déversait cette lumière fabuleuse
qui impressionnait
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