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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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n’exprimait rien de tel.
    — Il est si dur de parler avec toi, Morgennes, continua Beaujeu. Tu donnes si souvent l’impression d’être seul, comme si tu n’étais pas de ce monde.
    — C’est ma nature, dit Morgennes. Il faut s’y faire.
    — Depuis ta captivité, je ne parle pas de la dernière, mais de celle qui conclut ta quête des larmes d’Allah, je sais que tu as en partie perdu la mémoire. L’as-tu recouvrée, maintenant ?
    — Comment le saurai-je ? S’il y a quelqu’un d’incapable de répondre à ta question, c’est bien moi. Mais il est vrai que j’ai souvent le sentiment de ne plus m’appartenir.
    — On n’appartient qu’à Dieu, dit Beaujeu. Surtout quand on s’est donné, comme toi, à l’un de ses ordres. Mais revenons à Hattin. Le chapitre a prononcé sa sentence : tu as reçu ta charte de congé, il n’y a donc plus à te juger. Pourtant, ce qu’a dit Tripoli était juste : ton attitude n’était pas exempte de courage.
    — Tout comme celle des frères qui ont refusé d’abjurer.
    — Ce sont deux courages de nature différente.
    — Courage ou lâcheté, de toute façon, je m’affligerai quand j’aurai retrouvé la Vraie Croix.
    Alexis de Beaujeu n’insista pas. Il aurait voulu parler à Morgennes, mais ce dernier semblait au-delà des mots. Les paroles ne l’atteignaient pas, seuls les actes avaient un sens pour lui. Non que les mots fussent sans importance, mais ils entraient dans une partie de son entendement où lui-même semblait ne pas se situer. Beaujeu était triste. Il avait cherché à provoquer une étincelle chez son ami, à susciter une interrogation, un doute. Il n’y était pas arrivé.
    D’ailleurs, pourquoi se souciait-il autant des états d’âme de Morgennes ?
    « Oublions ça », se dit Beaujeu, passons à autre chose.
    Il ouvrit la petite porte de la fabrique à l’aide de clés qu’il portait dans son aumônière. Comme il faisait sombre, il prit dans une niche une torche, et l’alluma à l’aide de la pierre à feu qui s’y trouvait. L’air sentait le suif, le métal et la guerre. Les armes, rangées dans des râteliers alignés sur les côtés et au centre de la fabrique, retenaient leur souffle, avides d’être tirées du fourreau et de pourfendre l’adversaire. L’air même était fait de cette tension, et Morgennes eut de nouveau l’impression que c’étaient les armes qui avaient créé les hommes, et non l’inverse.
    Il emboîta le pas à Alexis de Beaujeu, qui descendait un escalier menant au sous-sol de l’armurerie, et eut la très nette sensation que manches de lances et poignées d’épées ne demandaient qu’à être saisies, afin de fendre, transpercer, crever, trancher, couper, tuer. Il entendait leurs cris silencieux, ressentait leur impatience alors que tant d’ennemis demandaient à mourir, là, dehors ; et quand il n’y aurait plus d’ennemis, il y aurait toujours les amis, la famille, soi-même.
    Les magasins du sous-sol étaient l’endroit où l’on rangeait les boucliers et les armures. Ces dernières étaient placées dans des caisses emplies de paille, ou posées sur des mannequins quand il fallait les assembler ou les réparer.
    Beaujeu ouvrit une caisse de bois noir qui ressemblait à un cercueil. Elle contenait une armure, également noire, en parfait état. Après en avoir caressé les anneaux pour éprouver leur souplesse et leur solidité, il dit à Morgennes :
    — C’est un haubert d’un genre nouveau. Ses mailles sont si serrées que les flèches ne peuvent le traverser… On a cousu à l’intérieur une sorte de jaquette de drap doublée de coton fortement piqué. C’est plus léger qu’un gambeson, et beaucoup plus solide. Avec, tu seras en sécurité.
    — Et toi ? s’inquiéta Morgennes.
    — Ne te fais pas de souci. Les Sarrasins n’oseront jamais s’en prendre au krak tant que Jérusalem ne sera pas tombée. Faute de nouveaux renforts, nous n’irons pas à Acre ; et nous n’irons à Tyr que si Conrad de Montferrat arrête de défier Raymond de Tripoli… Nous ne bougerons pas d’ici tant que la Vraie Croix n’aura pas été retrouvée ; alors, ne t’inquiète pas : il ne peut rien m’arriver. De toute façon, rien ne m’empêche au besoin de passer un de ces vieux hauberts, dit-il en éclairant les autres caisses avec sa torche.
    — Et les flèches des Maraykhât ?
    — J’ai mon bouclier, et puis, maintenant, nous sommes prévenus. Tiens,

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