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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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ennemi au visage et aux buts indistincts.
    — Combien de temps agit ce poison ? demanda le frère commandeur.
    — Difficile à dire, répondit Morgennes. Cela dépend du type et de la quantité utilisés, de l’heure à laquelle il a été appliqué sur le barbeau… En séchant, il y dépose une fine pellicule de vernis, qui reste actif plusieurs semaines. Mais, par crainte de se blesser, la plupart des Maraykhât n’empoisonnent leurs flèches qu’au moment de les tirer… Il y a fort à parier que le poison agit encore et que ceux qui ont fait ça ne sont pas loin…
    Le frère commandeur prit des mains de Morgennes la pointe de flèche et s’entailla le bout du doigt : un sang vermeil s’écoula aussitôt, en quantité anormalement abondante.
    — Tu partiras ce soir, dit Alexis de Beaujeu à Morgennes. Où donc penses-tu trouver Saladin ?
    — À Damas, ou bien dans les parages d’Acre ou de Tyr. Sinon à Jérusalem.
    — Bien. À présent, suis-moi.
    Morgennes suivit Alexis de Beaujeu, qui avait à dessein interrogé Morgennes en présence du frère chapelain, des deux clercs et des autres frères. Ainsi, le bruit se répandrait que Morgennes était à la recherche de Saladin, et nul ne penserait à la Vraie Croix.
    Avant son départ, Beaujeu demanda qu’on lui remette le vexillum de saint Pierre, que par la grâce de Dieu le frère sergent avait emporté dans sa fuite. Quand ils furent seuls dans les galeries du krak, Beaujeu en déchira un morceau et se le noua autour du doigt.
    — Voyons si la papauté sait aussi bien arrêter le sang qu’elle arrive à le faire couler ! dit-il avec un clin d’œil à Morgennes.
    Puis il ajouta, l’air grave :
    — Je ne connais pas la moitié des frères qui sont en ce château. Beaucoup ne sont que des trousse-pets fraîchement débarqués de Provence, d’Angleterre ou de France. Ils ne connaissent cette terre qu’à travers des récits déformés, racontés par des lâches qui se croient courageux alors que nous autres, qui demeurons ici depuis plus de vingt ans, sommes pour eux des étrangers – coupables des pires ententes avec un ennemi que beaucoup n’ont jamais vu. Certains m’ont parlé des Sarrasins comme de démons à visage vert, oreilles pointues et crocs en guise de bouche. Ils croient qu’ils s’expriment en grognant et se repaissent de chair humaine, alors que c’est nous autres qui avons dévoré des cadavres quand, au siècle dernier, les premiers croisés durent manger des Turcs tant ils avaient faim, tant la folie les tenait ! Dieu nous préserve qu’une pareille horreur se reproduise jamais !
    Morgennes écoutait silencieusement, touché par la confiance que Beaujeu lui témoignait en lui livrant ainsi ses sentiments. Le frère commandeur du krak était ce qu’on appelait une « peau brunie » – un « vétéran ». Il était venu en Terre sainte à la suite d’une apparition. Une nuit, un fantôme s’était manifesté pour lui commander de se croiser et d’aller se recueillir sur la tombe du Christ. Beaujeu s’était immédiatement mis en route, sans attendre le lendemain. Il avait prié dans le Saint-Sépulcre, puis avait rejoint l’ordre des Hospitaliers… Morgennes et lui se connaissaient depuis cette époque. Ils avaient le même âge.
    Ils passèrent par une courette au sol jonché de paille défraîchie, et gagnèrent la fabrique du krak, au sous-sol de laquelle le frère maréchal avait ses entrepôts.
    — Morgennes, je n’ai pas le droit de te faire remettre un nouveau trousseau, dit Beaujeu. Mais la règle de l’Hôpital m’autorise à offrir à une personne de mon choix un cheval et une armure, ce que je vais faire en te remettant ma propre armure et la monture du frère sergent qui vient de mourir.
    — Beau doux seigneur…, commença Morgennes.
    — Tais-toi, l’interrompit Alexis de Beaujeu. Si c’est pour me remercier, trouve plutôt la Vraie Croix, que nous puissions l’envoyer à Sa Sainteté ainsi qu’elle l’a demandé.
    — Je la trouverai.
    — Je sais que je peux compter sur toi, Morgennes. Tu as toujours été un être à part : avec nous, et pourtant à côté de nous. Même dans la prière, il me semblait que tu étais ailleurs.
    — C’est cependant ce qu’on commande.
    — On nous commande aussi de prier ensemble, et non d’être seulement tournés vers Dieu…
    Il y avait comme un reproche dans les paroles d’Alexis de Beaujeu, et pourtant son visage

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