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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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m’éclaire pas plus !
    — Dis-moi ce que tu vois.
    — Des nuages.
    — C’est tout ?
    — Et des oiseaux.
    —  Des oiseaux ?
    — En fait il n’y en a qu’un, dit Massada.
    — Enfin ! s’exclama Morgennes. Maintenant que tes yeux se sont ouverts, demande à ton cerveau d’en faire autant !
    Massada le dévisagea, interloqué. Morgennes était-il devenu fou ?
    — Cet oiseau, dit Morgennes, n’est pas comme les autres. C’est un faucon pèlerin. Un chasseur, et il est rare qu’il vole ainsi, quand le soleil se couche. C’est une chance que je l’aie aperçu, car son plumage brun-gris le fait se fondre dans le ciel. Quand la nuit tombe, il disparaît. Ce genre de rapace ne vole pas dans l’obscurité. Le fait que celui-ci soit dans les airs à cette heure signifie que son maître – sa maîtresse en fait – n’est pas loin. Oui, je connais ce faucon. Je l’ai croisé par deux fois, à Hattin, puis une troisième quand nous allions vers le krak : il volait dans le ciel du djebel Ansariya, en plein territoire assassin.
    — Je ne comprends toujours pas, dit Massada.
    — C’est un rapace unique au monde : sa maîtresse est la plus belle des femmes que j’aie jamais vue, belle comme une relique. C’est une sang-mêlé, d’un peu plus de vingt ans, aux yeux bleus et aux cheveux châtains. Sa peau semble aussi douce que celle d’un nouveau-né, et elle porte sur elle les plus beaux bijoux qu’il m’ait été donné de contempler…
    Une lueur avide s’alluma dans les yeux de Fémie. Dans le lointain, l’oiseau poussa un cri.
    — Moi aussi, reconnut doucement Massada, j’ai connu une femme qui avait un oiseau de ce genre. C’était, je crois, la maîtresse du cheik des Zakrad, une vraie furie. Elle parcourait la Terre sainte, à la recherche d’un homme – un certain Perceval, enfin, si j’ai bien compris. Orgueilleuse, belle et froide, on aurait dit une lame. À chaque fois qu’elle venait me voir, j’étais paralysé.
    — Tu la connais donc ?
    — Oui, poursuivit Massada. Elle venait souvent me consulter, à Nazareth. Elle achetait les plus belles reliques, les plus chères, et repartait avec. Il lui en fallait une nouvelle à peu près chaque semaine. J’ignore où elle trouvait l’argent, j’ignore pourquoi elle en achetait autant. Mais une sorte de malédiction semblait l’accabler. Elle avait besoin de reliques comme d’autres ont besoin de guerres, de femmes, de prière ou de vin…
    — Pourtant tes reliques étaient fausses, fit remarquer sèchement Fémie.
    — Fausses, vraies, est-ce que je sais, moi, ce qui est vrai ou faux en matière de reliques ? répliqua Massada, que ce sujet gênait. Moi je dirais qu’elles étaient toutes authentiques…
    — Je vois, dit Morgennes. Passons. Mais cette femme avait un foulard qui me paraît être celui que tu portes au bras…
    — Eh bien ? demanda Massada.
    — Elle aurait donc été capturée. Mais pourquoi ? Et par qui ?
    — Quel rapport avec la Vraie Croix, de toute façon ? reprit Massada.
    — Peut-être aucun, dit Morgennes. Mais je veux aller voir. Et puis, si la maîtresse de cet oiseau cherche des reliques, pourquoi pas la Vraie Croix ?
    —  Yallah ! s’exclama Fémie.
    Massada baissa la tête et se tourna les pouces. Il était de nouveau perdu dans ses pensées, et avait lâché les rênes de Carabas. Enfin, Morgennes descendit de cheval pour rejoindre Yahyah. Celui-ci s’apprêtait à prier et avait sorti un long manteau blanc pour couvrir les épaules de Morgennes – il n’était pas question de prier dans une armure noire.
    Morgennes ne put s’empêcher de penser que le destin leur faisait signe. « Après tout, se disait-il, si une étoile a guidé les Rois mages jusqu’au Christ, pourquoi un oiseau ne nous guiderait-il pas jusqu’à la Vraie Croix ? »
    Il souriait, heureux, plein d’une joie tranquille, certain de ne pas se tromper.
    Après la prière, il contempla, sur une hauteur, le château templier de La Fève qui dominait la plaine de l’Esdrelon. Plus au nord, derrière eux, la tour de Séphorie, la grande templerie de Saphet et ses nombreux casaux… Tous étaient tombés. Morgennes ignorait ce qui, de la force ou de la ruse, en était venu à bout, mais il savait que leur perte signait la fin de la présence du Temple en Outre-Jourdain. La clé de Jérusalem était maintenant le château de La Fève. Il n’y avait qu’à descendre le versant sud du

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