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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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mont Thabor, qui s’étendait vers la Basse Galilée et la plaine de l’Esdrelon, pour atteindre les contreforts du château que Morgennes voyait trembler dans la brume bleutée.
    Une fois là-bas, il préviendrait la garnison. Ensemble, ils résisteraient aux « Templiers sarrasinois », ensemble ils sauveraient la Vraie Croix. Restait à voir comment il ferait pour la remettre ensuite à l’Hôpital…
    — Attendez-moi là, dit Morgennes, et si je ne suis pas de retour avant demain soir, partez, fuyez !
    — Pour aller où ? répliqua Massada.
    — Tu dois bien connaître un endroit où te cacher ? demanda Morgennes.
    — Peut-être, répondit le petit homme, évasif.
    — Alors, allez-y.
    Yahyah, qui jouait avec Babouche, s’arrêta pour aider Morgennes à monter sur son cheval.
    — Vous n’allez pas partir ainsi, chevalier, dit-il. Vous n’êtes même pas armé !
    — Là-bas, ils me donneront une épée, répondit Morgennes.
    — Mais…
    Sans attendre la fin de sa phrase, Morgennes éperonna Isabeau et descendit le mont Thabor, dont le monastère en ruine témoignait du récent passage des Sarrasins. En le regardant partir, Fémie le salua longuement de la main :
    —  Yallah ! cria-t-elle pour l’encourager.
    Elle ne le quitta pas des yeux. Quand il ne fut plus qu’un petit nuage à l’horizon, elle se tourna vers son mari et dit en caressant l’un de ses colliers :
    — J’espère qu’il la retrouvera.
    — Moi aussi, dit Massada, et il ajouta, un ton plus bas : la Vraie Croix doit valoir beaucoup d’or…
    Fémie le regarda, inquiète. Avait-elle entendu ? Toujours est-il qu’elle déclara :
    — On ne peut pas le laisser seul…
    Sur ce, elle prit les rênes et s’apprêta à les faire claquer, mais Massada l’en empêcha, rétorquant :
    — C’est moi qui décide, et pour l’instant nous restons là !
    Il n’avait, en effet, aucune envie de s’approcher du château de La Fève, dont la garnison avait reçu ordre de l’arrêter. Pourtant, un cahot ébranla la carriole : Carabas s’était mis en route de lui-même, et descendait, entre les minces colonnes de fumée bleue qui montaient dans l’ombre, sur la piste de Morgennes.

17.
    « Ô l’heureux genre de vie dans lequel on peut attendre la mort sans crainte, la désirer avec joie, et la recevoir avec assurance ! »
    (Saint Bernard de Clairvaux,
    De laude novae militiae.)
    Simon n’en pouvait plus d’attendre. Depuis qu’il était entré dans l’ordre, il n’avait fait qu’attendre, attendre et attendre encore. « Ah, patience ! Tu me feras donc mourir ! » se disait-il fréquemment. Et, pour tromper son ennui, il s’infligeait des pénitences. Récitait des psaumes tout le long du jour, jeûnait s’il avait faim, veillait s’il avait sommeil, s’exerçait au maniement des armes s’il était épuisé. En tout, il contraignait son corps aussi souvent que possible.
    Quelquefois, il pâlissait et se mettait à trembler. On s’inquiétait pour lui. Le bailli de son ordre lui imposait alors de se nourrir et d’aller dormir. « Garde tes forces pour l’ennemi, beau doux frère », lui disait-il avec sévérité. « Et sache qu’en toutes choses tu dois te conformer à la règle, et à mon commandement. » Simon plantait un regard résolu dans celui de son supérieur et répondait invariablement : « Commandez-moi, beau doux sire, et j’obéirai. »
    Il se couchait, ravi de ressentir en lui une puissance formidable : celle de la foi. S’efforçant de dompter l’excitation qui lui tenait les yeux ouverts et gardait le sommeil éloigné, il s’endormait en murmurant des Pater. Qu’elle était belle cette foi en lui, qu’elle était forte !
    Il se remémorait les paroles de son premier maître, lors de sa réception dans l’ordre : « C’est une rude chose que de se faire serf du Temple, lorsque l’on est son propre sire. Car à grand-peine ferez-vous jamais ce que vous voudrez : si vous voulez être en Terre sainte, on vous en renverra ; si vous voulez être à Acre, l’on vous enverra en la terre de Tripoli, d’Antioche ou d’Arménie, en Pouille ou en Sicile, en Lombardie, en France ou en Bourgogne, en Angleterre ou en plusieurs autres terres où nous avons des maisons et des possessions. Et, si vous voulez dormir, on vous fera veiller ; et si vous voulez quelquefois veiller, on vous commandera d’aller vous reposer dans votre lit. Quand vous serez à table et

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