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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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d’elles-mêmes. » Il se lava les mains dans une bassine d’eau claire.
    — Enfin, ajouta-t-il en se tournant vers Morgennes pour l’examiner, il est heureux que ce jeune homme sache aussi mal se servir d’un couteau. J’espère pour vous qu’il en fera meilleur usage contre ses ennemis. Quoique, tout bien considéré, je n’en vois pas l’avantage… Ses ennemis étant après tout mes amis…
    Morgennes étudia le vieil homme, ne quittant pas des yeux ses mains tavelées qui couraient comme des gazelles sur son épiderme, le palpant çà et là, appuyant sur un côté, pressant un bout de chair entre le pouce et l’index, pinçant la peau afin de mesurer la façon dont elle marquait, l’examinant si bien qu’il avait l’impression d’être un livre dont Maïmonide tournait les pages, à la recherche de son âme.
    — Tout va bien ! fit le vieux Juif en donnant à Morgennes une tape sur la joue, comme s’il eût été un enfant. Hormis cette vilaine blessure à l’œil, mais qui a été très bien soignée, ces marques de brûlure au visage – qui ont d’ailleurs fort bien cicatrisé – et ces traces de coups – communes chez les soldats de votre âge –, vous êtes en excellente santé. Bien des jeunes ne peuvent en dire autant Vous vivez à reculons : on dirait que l’âge vous rajeunit. Profitez-en, c’est un don rare… Vous pouvez vous rhabiller.
    Morgennes le regarda, stupéfait que le vieillard n’eût rien vu. Était-ce à cause de son âge ? Maïmonide n’avait, à vrai dire, qu’un peu plus de cinquante ans ; ce qui était âgé, certes, mais guère plus que Morgennes.
    — Combien de temps me reste-t-il ? demanda celui-ci.
    — Vous reste-t-il ? Mais je ne sais pas, moi, maugréa le vieil homme. Pour quoi faire d’abord ?
    — Combien de temps, reprit Morgennes sur un ton qui se voulait impérieux, me reste-t-il avant que la lèpre ne se déclare, et n’envahisse mon corps…
    — La lèpre ? Quelle drôle d’idée, grommela Maïmonide sans paraître avoir rien remarqué de la froide condescendance de Morgennes. Je vous assure que vous êtes en parfaite santé. J’ai bien vu en effet quelques taches brunes qui sont d’anciennes traces de la lèpre, mais vous êtes, fort heureusement, entièrement guéri. C’est même miraculeux ! Vous devriez remercier Dieu (loué soit-il)…
    — Mon pouce, dit Morgennes. Regardez, j’ai perdu l’ongle du pouce de la main droite.
    — Ce n’est rien, le rassura Maïmonide. Une blessure que vous vous serez faite en tirant l’épée du fourreau. Regardez : il se reforme déjà. Et puis, dit-il en lui prenant la main, voyez vos autres doigts : l’ongle est solide, brillant, avec une belle demi-lune à la jointure de la peau.
    Le vieux médecin lui lâcha la main et – percevant l’inquiétude de Morgennes – l’interrogea :
    — Vous n’avez pas de raison de l’avoir attrapée de nouveau ?
    — Je l’ignore, dit Morgennes, qui n’osait parler de la perte de Crucifère.
    — Allons, vous devriez le savoir… Avez-vous été mis en contact avec du sang, des humeurs ou du pus de personnes ayant elles-mêmes la lèpre ?
    — Non.
    — Avez-vous été récemment dans une mésèlerie ?
    — Non plus.
    — Pensez-vous avoir été empoisonné ? Avez-vous bu de l’eau d’un puits contaminé ?
    — Je ne crois pas.
    — Alors tout est bien, conclut Moïse Maïmonide. Vous l’avez eue, c’est certain. Mais vous ne l’avez plus. Et on n’a jamais vu de cas où le mal de lèpre revenait de lui-même après être parti… D’ailleurs, on a vu très peu de cas de guérison. Mais vous, je puis vous l’assurer, vous êtes guéri.
    — Pourtant, je la sens encore en moi. Elle me ronge, elle est là…
    — C’est parce qu’elle est dans votre crâne, mais pas dans votre corps ! tempêta Maïmonide. Et dans ce cas, malheureusement, ce n’est pas de mon ressort…
    Morgennes se releva, revêtit son haubert, ceignit son baudrier, enfila ses chausses de mailles et se dirigea vers le rabat de la tente du vieux Juif, qui le regarda, les yeux luisants, en se frottant la barbichette.
    — Merci pour tout, murmura Morgennes.
    — Que Dieu vous garde, répondit Maïmonide. Et n’oubliez pas : « Dieu est le meilleur de ceux qui se servent de ruse pour arriver à leur but. »
    Afin que la Vraie Croix fût bien gardée, Saladin avait autorisé Taqi à demeurer avec elle. Quant à Cassiopée, sa mission

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