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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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interrompus l’un l’autre. Finalement, Taqi fit un geste en direction de sa cousine pour l’inviter à s’exprimer. Cassiopée dit :
    — Morgennes, je sais qui tu es. Je l’ai pressenti la première fois que je t’ai vu, à Hattin, car tu ressemblais à la description qui m’avait été faite de toi par certains de tes amis, restés en France et en Flandre, et notamment par l’un d’eux, un dénommé Chrétien de Troyes.
    Morgennes la regarda, stupéfait.
    — Ce nom te dit-il quelque chose ? demanda Cassiopée.
    — Pas vraiment, répondit Morgennes, à la fois gêné et curieux.
    — C’est pourtant ton meilleur ami. Ensemble, m’a-t-on dit, vous étiez plus redoutables qu’une bande de chanoines lâchés dans les rues de Paris…
    (Ils ne virent pas, lorsque Cassiopée prononça le nom de Chrétien de Troyes, Simon ouvrir de grands yeux. Il l’écoutait parler, pétrifié, le regard fixe, buvant ses paroles comme un puissant philtre.)
    — Chrétien a toujours écrit en pensant à toi. Tu as inspiré la plupart de ses œuvres, d’Érec et Énide à Lancelot ou le Chevalier de la Charrette, en passant par Yvain ou le Chevalier au Lion. Aujourd’hui, Chrétien se fait vieux. Le roman qu’il a commencé il y a cinq ans, en s’inspirant de tes aventures égyptiennes et de ta quête des larmes d’Allah, est resté inachevé à cause de ta disparition. Maintenant, je comprends ce qui s’est passé. Tu étais tombé dans cette embuscade tendue par les Templiers. Tu as souffert, et tu l’as oublié. Reviens, Morgennes, qu’il puisse finir son œuvre et que Philippe d’Alsace soit content…
    Morgennes ne répondit rien. Pendant un court instant, le feu de branchages illumina son visage de reflets écarlates, donnant à ses cheveux clairsemés un aspect mordoré.
    — Comment s’intitule ce roman ? demanda Morgennes.
    —  Perceval ou le Conte du Graal.
    —  Je m’appelle Perceval ?
    — Non, tu t’appelles Morgennes. Mais tu es bien, si Chrétien dit vrai, « le Fils de la Veuve qui avait pour domaine la Gaste Forêt »…
    — La Gaste Forêt… Cela ne me dit rien, ou si peu. Je me souviens d’un pont…
    Cassiopée prit la main de Morgennes, et la serra étroitement. Elle semblait étonnamment émue.
    — Ta quête est terminée, Perceval. Tu as trouvé ton graal. Il faut rentrer maintenant.
    — Je n’en ai pas le droit. Pas maintenant. Je dois encore apporter la Vraie Croix à mon ordre, et retrouver Crucifère. Sans elle, ma lèpre va se déclarer, ronger mon corps et me laisser comme ces os, là, dehors…
    Taqi se leva, épousseta sa tunique de Templier, lissa sa moustache d’un geste élégant, et dit, quand il fut certain d’avoir conquis l’attention de son auditoire :
    — Je sais où trouver Crucifère et le moyen de te guérir !
    — Où ça ? demanda Morgennes.
    — À l’oasis des Moniales.
    — L’endroit dont Fémie a parlé ! Tu sais où c’est ?
    — Oui, je crois. Mais je ne le connaissais pas sous ce nom. Pour nous, au Yazak, c’est le royaume de Zénobie, la reine des Amazones. Il s’agit d’un lieu enchanté, qu’on dit hanté par le démon. Même les djinns redoutent d’y aller. À l’instar de Sohrawardi, elles connaissent des remèdes à bien des maladies. Mais tout se monnaye… Je n’ose imaginer, Morgennes, ce qu’il faudrait payer pour te guérir de la lèpre…
    — Je n’ose imaginer, ajouta Morgennes, ce que Massada a payé ; si ce sont elles qui ont empêché sa maladie de progresser…
    — Accepteront-elles de nous aider ? s’inquiéta Cassiopée.
    — Elles sont chrétiennes, après tout, avança Taqi. Peut-être qu’un fragment de la Vraie Croix pourrait les persuader…
    Morgennes porta son regard vers le Saint Bois, que Simon veillait toujours, à demi évanoui, et s’absorba dans la contemplation de cette relique après laquelle il avait tant couru. Ainsi déshabillée, sans son habit d’or et de perles, elle lui sembla plus belle, plus humaine. Une voix, celle de Cassiopée, s’éleva :
    — Morgennes, c’est aujourd’hui le jour de l’Exaltation de la Croix. Ne penses-tu pas qu’il faille y voir un signe ? Que Dieu t’accorde enfin d’être guéri ?
    — Je l’espère, répondit Morgennes.
    Sur ce, ils s’endormirent, sauf Morgennes, qui planta son épée dans le sol, non loin de la Vraie Croix, et passa la nuit à prier, comme jadis, quand il était gardien du Saint Bois. Le

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