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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Saladin était un géant ; et l’on pouvait comprendre l’inquiétude du calife de Bagdad, qui voyait la gloire du sultan croître à mesure que la sienne diminuait.
    Deux mamelouks, montés sur des pur-sang, firent choir Castiglione à terre. Il tenta de se relever, se prit les pieds dans ses fers, et tomba de tout son long dans la poussière. Contrairement aux autres prisonniers, Castiglione portait encore son habit d’Hospitalier. Mais son manteau était si taché de sable et de sang qu’on y discernait mal la croix de l’ordre. S’agissait-il de son propre sang ou de celui des Sarrasins qu’il avait tués en combattant ? Nul n’aurait su le dire. Castiglione s’agenouilla pour prier.
    Saladin ordonna qu’on le laissât faire, puis, Castiglione ayant remis son âme à Dieu, lui demanda :
    — As-tu soif ?
    — Oui, répondit Castiglione. Mais la seule eau que j’accepterai sera celle que le Christ me servira quand je serai à sa droite.
    — À ta guise, fit Saladin.
    — Père, intervint al-Afdal, que signifie cette croix, sur le manteau de cet homme ?
    — C’est le symbole de son ordre, répondit Saladin. Il s’agit de la croix à huit branches des Hospitaliers.
    — Pourquoi a-t-elle huit branches, et non pas quatre comme celle des Templiers ?
    Saladin laissa Castiglione expliquer :
    — Parce que la croix de Jésus-Christ ne s’étend pas seulement du septentrion au midi, et de l’orient au couchant, mais dans toutes les directions, y compris spirituelles. Cette croix est le signe que la gloire de Notre Seigneur touche tous les hommes, peu importent leur rang, leur époque, leur pays, ou leur foi.
    — Et pourquoi est-elle blanche et non rouge, comme celle des Templiers ? Est-ce pour souligner le fait que vous connaissez aussi bien l’art de fermer les blessures que celui de les ouvrir ?
    — Non, dit Castiglione. Si notre croix est blanche, c’est pour nous aider à rester sur le chemin de la pureté. Et si celle de nos frères du Temple est rouge, c’est pour qu’on n’oublie jamais le sang que le Christ a versé.
    — Et c’est le sang de votre orgueil ! s’écria Saladin. Ces hommes sont le diable et portent le mensonge en eux ! Il est bon que nous les exterminions. Mais même les démons peuvent sortir de l’enfer ; et il ne sera pas dit que je n’aurai pas essayé… Convertissez-vous, ou mourez !
    — Jamais ! s’indigna Castiglione.
    — À ta guise, dit Saladin.
    Dans un sifflement de métal, son sabre jaillit du fourreau et décapita le maître de l’Hôpital. Saladin avait été si rapide que le corps de Raymond de Castiglione resta quelques instants hideusement figé dans une attitude de prière. Puis il glissa lentement à terre, où son sang se mêla à la poussière.
    Guy de Lusignan, Gérard de Ridefort et tous les chevaliers – horrifiés – s’apprêtèrent à rendre leur âme à Dieu. Dans la lumière du petit matin, les drapeaux des Abbasides et des Ayyubides fouettaient l’air de leur soie noire. Ils rappelaient à Morgennes ces serpents de sable contre lesquels il s’était battu la veille. Serpents de poussière, que rien ne parvenait à défaire et qui paraissaient doués de conscience.
    Les oulémas circulèrent entre les chevaliers, les firent s’agenouiller et leur passèrent au cou des colliers de métal reliés par de longues chaînes. Les prisonniers étaient si faibles qu’ils n’opposèrent aucune résistance. Beaucoup, que la soif brûlait, fermèrent les yeux et se mordirent les lèvres par crainte de réclamer à boire contre leur propre volonté.
    Morgennes fut attaché entre le jeune Templier, qui s’appelait Arnaud de Roquefeuille, et Keu de Chènevière ; Sibon le fut à ce dernier.
    — Prions, mes frères, dit Sibon. Bientôt nous serons au côté de Dieu !
    — Il doit bien y avoir une échappatoire, dit Morgennes. Dieu a certainement d’autres projets pour nous que notre mort.
    — Nous sommes déjà morts, murmura Chènevière, pâle malgré sa peau brunie par le soleil.
    — Vous auriez dû me laisser mourir…, dit Morgennes.
    — Notre devoir était de te sauver la vie, répliqua Chènevière entre deux prières. Le tien est de sauver ton âme.
    Morgennes ne répondit rien. Il regarda Saladin remonter à cheval et parader au milieu de ses troupes. Les oulémas ne se gênaient pas pour bousculer les prisonniers, dont la tonsure et la barbe étaient une injure à leurs yeux. Souvent, ils se

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