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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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menaçait de le tuer sans attendre de réponse. Mais une voix tonna au-dessus d’eux, et Saladin ordonna :
    — Laisse-le ! Il m’appartient.
    Morgennes repensa à la façon dont Taqi ad-Din l’avait sauvé sur le champ de bataille, et se dit que Dieu lui avait envoyé Saladin pour lui permettre de s’échapper sans avoir à sombrer dans le déshonneur. Mais Dieu avait d’autres projets, car le sultan l’interrogea d’une voix impérieuse :
    — Chevalier, que choisis-tu ? Embrasser la Loi, ou rester fidèle au Christ ?
    Morgennes espérait toujours un signe de Dieu, mais il n’y avait rien, rien, hormis la Vraie Croix, là, sur le champ de bataille, au milieu des Sarrasins – et soudain tout fut clair. Il prit une profonde inspiration, et déclara d’une voix qui lui serait désormais étrangère :
    — Embrasser la Loi.
    — En ce cas, répète la Shahada après moi : « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète… »
    Sa langue n’était qu’une flamme, sa gorge une fournaise, mais il trouva la force de répéter :
    — « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète… »
    — Traître ! s’exclama Chènevière, juste à côté de Morgennes.
    — « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète… », poursuivit Saladin, comme si de rien n’était.
    — « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète… », répéta Morgennes, d’une voix déchirée, vibrante d’émotion.
    — Tu brûleras en enfer ! lui lança Sibon.
    — « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète… », continua Saladin, imperturbable.
    — « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète… », répéta Morgennes, à bout de force.
    — Crache sur la croix ! ordonna Saladin, en faisant signe aux mamelouks d’approcher la relique.
    Morgennes trembla de tous ses membres. Ses lèvres, qui avaient tant de fois embrassé le Saint Bois, cherchaient à reproduire, malgré elles, ce qu’elles avaient si souvent fait.
    — Crache sur la croix ! s’écria Saladin, sinon je l’abreuve de ton sang !
    — À boire, dit Morgennes. J’ai la gorge aussi sèche qu’un rocher…
    Saladin hésita un instant, puis il eut un large sourire :
    — Tu l’as bien mérité, déclara-t-il. Pour te féliciter, je te servirai moi-même !
    Tandis qu’il allait chercher de l’eau, Morgennes se tourna vers Chènevière et Sibon :
    — Pardonnez-moi, murmura-t-il tout bas…
    — Misérable traître ! s’indigna Sibon.
    Chènevière, lui, préféra se taire. Mais son regard débordait de haine ; de cette même haine que Morgennes avait lue, hier, dans les yeux des Maraykhât. Peu après, Saladin revint avec un verre, et l’approcha des lèvres de Morgennes.
    — Les deniers de Judas ! s’exclama Sibon. Tu t’en repentiras !
    Morgennes but à grandes goulées, s’oubliant totalement dans cette longue et lente gorgée, qui lui emplissait le corps d’une douceur à nulle autre pareille. Quand il eut fini de se désaltérer, Saladin lui lança :
    — Obéis !
    Morgennes cracha sur le Saint Bois. Une rumeur monta de la foule. Les Mahométans laissèrent éclater leur joie, poussant moult cris et Allah Akbar !
    —  Ce qu’une épée n’obtient pas, dit Saladin aux siens, un verre d’eau vous l’apporte !
    Il se tourna vers Chènevière et Sibon pour leur proposer de boire, mais Sibon déclara :
    — Rien de ce que tu as à nous donner ne peut nous désaltérer.
    Les deux hommes furent promptement exécutés. Peu après, Morgennes crut voir qu’on apportait la Vraie Croix à une petite troupe de cavaliers de l’ordre du Temple. Bientôt, l’un d’eux se hissa sur ses étriers, et leva la Vraie Croix.
    À ce signal, les Mahométans enflammèrent une pile d’habits de soldats du Temple et de l’Hôpital, et y jetèrent la tente rouge du roi de Jérusalem. À ce spectacle, Saladin lui-même versa quelques pleurs. Il donna l’ordre d’arrêter de jouer avec les cadavres des moines soldats, de détacher leurs têtes des piques, d’aller chercher les débris de leurs corps qu’on avait jetés aux bêtes, et de les mettre au feu.
    Alors qu’une pluie de cendres grises retombait sur la plaine de Hattin,

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