Les compagnons de la branche rouge
son importance
symbolique.
[169] Tara est le centre symbolique et sacré de toute l’Irlande, depuis la plus haute
préhistoire.
[170] On le voit, l’antagonisme entre l’Ulster et le reste de l’Irlande ne date pas
d’une époque récente, et ce ne sont certainement pas des raisons d’ordre
religieux qui le suscitent, même si, au cours de l’histoire, celles-ci sont
venues recouvrir les raisons économiques, sociales et culturelles.
[171] Il semble que, la plupart du temps, c’est dans une fosse creusée à même le sol
que l’on faisait bouillir l’animal : de nombreuses découvertes
archéologiques militent en faveur de cette hypothèse.
[172] Dans d’autres récits, la royauté suprême échoit à celui qui fait crier la
célèbre Pierre de Fâl, pilier qui se dresse toujours sur le principal tertre de
Tara. Dans les rapports du chroniqueur gallois du XII e siècle,
Giraud de Cambrie, se trouve une étrange description d’un rituel où le futur
roi doit s’unir avec une jument, avant que celle-ci ne soit sacrifiée et
bouillie, puis se baigner dans le bouillon et le partager avec ses sujets. Ces
antiques rituels ne sont plus guère compris par les différents copistes qui se
sont succédé, ni, du reste, par Pline l’Ancien qui décrit un sacrifice du
Taureau juste après avoir évoqué le rituel du gui. Il s’agit pourtant bel et
bien d’une liturgie religieuse où le taureau joue un rôle essentiel. C’est ce
qui apparaît lorsqu’on tente de décrypter la grande épopée du cycle des Ulates,
la Tain Bô Cualngé , puisqu’elle conte la lutte
inexpiable entre les Ulates et les autres peuples d’Irlande pour la possession
d’un taureau sacré – et divin –, le Brun de Cualngé. Et c’est au cours de cette
guerre que Couhoulinn se distinguera particulièrement, en luttant seul contre
toutes les armées d’Irlande réunies, alors que les Ulates sont « en mal
d’enfant », c’est-à-dire victimes de la malédiction de Macha. L’épisode
présent, consacré au Festin du Taureau, est une interpolation dans le récit
primitif qui conte les aventures de Couhoulinn en « Terre de Promesse »,
mais elle n’est sans doute pas gratuite, car elle permet de mettre en valeur le
rôle ultérieur du héros lors de l’expédition pour la possession du Brun de
Cualngé.
[173] Une fois rappelé que « Lugaid » dérive du nom de Lug au Long Bras,
père divin de Couhoulinn, on notera que trois hommes ainsi appelés ponctuent la
vie du héros – et symbolisent ses trois naissances – , d ’abord ses deux fils
adoptifs, Lugaid aux ceintures rouges et, ici, Lugaid le Blond, puis et surtout
Lugaid, fils de Cûroi, qui sera son « meurtrier », vengeant par là le
« meurtre » de son propre père, victime de la « trahison »
de Blathnait – mettant fin plutôt à la longue série de transgressions qui se
sont enchevêtrées jusqu’alors de manière inextricable.
[174] L’influence chrétienne se trahit par ces détails. Traditionnellement, chez les
Celtes, les régions infernales sont celles du froid, et les contes populaires
de Bretagne armoricaine font encore mention de l’ ifern yên ,
c’est-à-dire de l’Enfer froid. Dans l’optique des anciens Celtes, le feu,
synonyme de vie toujours renouvelée, toujours triomphante, ne saurait être
associé à une notion infernale quelconque.
[175] Il s’agit là d’une espèce d’exorcisme destiné à lutter contre le charme magique
qu’ont lancé contre Couhoulinn les deux femmes-fées.
[176] Sur cet état paroxystique du héros, voir ci-dessus,
chap. IV. Quant à la nature magique de ses transes, elle est en
l’occurrence d’autant mieux confirmée que son combat contre les Fomoré est
censé avoir eu lieu dans l’Autre Monde.
[177] Pas plus que celle de fidélité, la notion de chasteté
n’avait, comme on voit, en société de type celtique, le moindre rapport avec
celle que pratiquent les sociétés chrétiennes ou issues du christianisme. Nul
débat moral ici, c’est de jalousie qu’il s’agit. Quant à la désinvolture dont
Couhoulinn fait preuve vis-à-vis de Fand comme d’Émer, qu’il aime pourtant
toutes deux (à sa manière…), nul ne niera qu’elle ne demeure singulièrement
moderne… À ce détail près que les anciens Celtes n’attachaient aucun caractère
définitif au mariage et que l’idée même de « péché de la chair » leur
était foncièrement étrangère.
[178] D’après la
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