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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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tes côtés, et tu connaîtras le bonheur et la prospérité.
– Par le dieu que jure ma tribu ! s’écria Crunnchu, je jure de respecter
tes conditions. Mais qui donc es-tu, et quel est ton nom ? – On me connaît
sous le nom de Macha, fille d’Ernmas [21] répondit-elle, et, sache-le, je suis des peuples de Dana. – Eh bien, Macha, fille
d’Ernmas, sois la bienvenue dans ma demeure. » Crunnchu la conduisit jusqu’à
sa maison, et ses enfants l’y accueillirent avec grande joie. Elle se mit
aussitôt au travail et prépara le repas du soir avec beaucoup d’habileté. Et, quand
ce fut l’heure de dormir, elle partagea la couche de Crunnchu.
    Il en fut de même les jours suivants, et plus les semaines
se succédaient, plus l’aisance et la prospérité favorisaient la maison de Crunnchu.
Ses vaches avaient deux fois plus de lait qu’auparavant, la récolte d’orge fut
abondante et, bientôt, Macha fut enceinte.
    Elle était parvenue presque au terme de sa grossesse lorsque
le roi des Ulates convoqua dans sa forteresse tous ses vassaux, tant fermiers
qu’artisans et guerriers. Au jour dit, Crunnchu quitta donc sa demeure et s’en
fut à l’assemblée des hommes d’Ulster dans la forteresse royale qui se dressait
au centre d’une grande plaine où paissaient de nombreux troupeaux [22] .
    Lorsque les hommes d’Ulster furent réunis, ils écoutèrent ce
qu’avaient à leur dire le druide puis le roi. Car s’il était d’usage en ce
temps-là qu’aucun guerrier ne prît la parole avant le roi, le roi, quant à lui,
ne pouvait la prendre avant le druide. Cela fait, s’ensuivirent de grandes
discussions dans l’assemblée, chacun étant admis à intervenir, exposer ses
affaires et demander l’arbitrage du roi ou du druide. Et après qu’on eut
débattu à l’envi, la fête commença, qui dura trois jours et trois nuits. On y
but de la bière et de l’hydromel, on y mangea à satiété, car le roi se devait d’accueillir,
de nourrir et d’abreuver abondamment ses vassaux lorsqu’il les invitait dans sa
forteresse royale.
    Enfin vint le temps des jeux. Les guerriers du roi d’Ulster
se mesurèrent à la fronde et au javelot, et des courses de chevaux opposèrent
les principaux chefs au roi. Et, à chaque compétition, les chevaux du roi l’emportèrent,
sans doute parce qu’ils étaient mieux nourris et mieux exercés que leurs rivaux.
Et chacun allait s’exclamant que le roi d’Ulster était le meilleur des rois de
toute l’Irlande, qu’il n’avait pas son pareil pour recevoir ses hôtes et qu’il
possédait les chevaux les plus rapides qui fussent au monde.
    Or, à ce moment, Crunnchu crut bon d’intervenir. « Ses
coursiers sont rapides, assurément, dit-il aux gens qui l’entouraient, mais je
connais quelqu’un qui serait capable de les battre à la course, c’est ma propre
femme. Elle est si rapide et si légère qu’elle toucherait au but avant tous ces
chevaux nourris de bon grain ! »
    Le propos circula de bouche à oreille et circula tant et si
bien que le roi d’Ulster en eut vent. Il s’en offusqua grandement, car il
trouvait intolérable que quiconque osât le défier sur un sujet aussi
chatouilleux. Aussi manda-t-il Crunnchu et le somma-t-il de prouver ses
allégations. « Certes, répondit le fermier, qui se ressentait de copieuses
libations, je le maintiens, ma femme peut courir plus vite que tous tes chevaux.
– Eh bien ! dit le roi, va chercher ta femme, et qu’elle démontre, en présence
de tous les Ulates, sa prétendue supériorité ! – C’est que, dit Crunnchu
soudainement dégrisé, ma femme est enceinte et sur le point d’accoucher. Son
état actuel l’empêcherait de satisfaire à ta demande. »
    Le roi d’Ulster laissa libre cours à sa colère. « C’est
trop facile ! s’écria-t-il. Tu portes atteinte à mon honneur en criant
partout que ta femme pourrait courir plus vite que mes chevaux et, lorsque je
te demande de prouver ce que tu avances, tu te dérobes, de peur de te trouver
honni et déconfit. – Noble roi, reprit Crunnchu, je te le répète, ma femme est
sur le point d’accoucher. Comment courrait-elle, dans son état ? – Qu’à
cela ne tienne ! hurla le roi, de plus en plus furieux. Tu t’es vanté de
ses prouesses, à toi d’en apporter la preuve, ou bien nous te mettrons à mort
en punition de ta vantardise. – Ce n’est pas possible en ce moment, répliqua
Crunnchu. – Si ce n’est pas possible en ce

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