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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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héros qu’elle accueillait, aucun n’égalait peut-être en puissance
Fergus, fils de Roeg. À telle enseigne, se souvenait-on, qu’un jour où il était
en colère contre Conor, il frappa du pied trois fois contre la terre, et ces
trois coups firent jaillir les trois collines que chacun peut voir au nord d’Émain
Macha.
    Aussi brave néanmoins que lui était Conall Cernach, le fils
du druide Amorgen à la Chevelure Noire. Il ne faisait pas bon lui chercher
querelle car, aussitôt en âge de porter une lance, il n’avait eu de cesse de
tuer chaque nuit un homme de Connaught et d’incendier une maison qui s’élevait
sur les terres de ce pays. Il ne dormait jamais sans une tête de Connacien sous
son genou, et il n’était pas en Irlande une seule terre noble qu’il n’eût
arrosée du sang d’un guerrier.
    Se distinguait aussi Loegairé Buadach, non moins valeureux
que Conall Cernach, et entre tous expert à protéger les biens des Ulates.
    Mais ni l’un ni l’autre n’étaient rien, comparés au héros
Couhoulinn, que l’on disait fils de Sualtam, et qui était le neveu de Conor. Lui
seul, parmi les Ulates, ne se ressentait pas de la malédiction lancée contre
eux par Macha, à savoir de cette maladie de femme qui les affligeait dès que
leur pays se trouvait menacé.
    On remarquait également Celtchar, fils d’Uthecar, aussi
redoutable dans les assemblées que dans les combats, car il ne tolérait pas la
moindre contradiction.
    Au demeurant, innombrables étaient les hommes de valeur qu’accueillait
Conor en sa forteresse d’Émain Macha. Car celle-ci comportait trois fois
cinquante chambres qui, chacune, pouvait recevoir trois couples. Un revêtement
d’if rouge parait la maison royale et les parois de toutes les chambres. La
chambre de Conor se trouvait à l’entrée : décorée de plaques de bronze que
rehaussaient des oiseaux d’or aux yeux sertis de pierres précieuses, elle avait
des barreaux d’argent, et une baguette d’argent surmontait sa porte. Lui-même
ne se séparait pas de trois pommes d’or destinées à l’instruction de la foule
et, quand il les faisait tinter ou même se contentait d’élever la voix, la
foule observait instantanément un silence si respectueux que la chute d’une
simple épingle sur le seuil, tous l’eussent entendue.
    Dans cette chambre, enfin, se tenaient en permanence trente
héros valeureux qui, pour étancher leur soif, disposaient d’un chaudron
toujours plein de bière. Et Conor comptait encore, au nombre de ses familiers, un
homme fécond en initiatives, nommé Bricriu, fils de Carbaid, mais dont le cœur
venimeux, la langue empoisonnée saisissaient sans faute la moindre occasion de
susciter des querelles parmi ses compagnons. Mais il suffisait que l’effleurât
une mauvaise pensée pour qu’un furoncle pourpre, gros comme un poing d’homme, lui
sortît du front. Ainsi chacun se trouvait-il prévenu des intentions malignes de
Bricriu.
    En vérité, des gens remarquables foisonnaient dans la
forteresse de Conor, fils de Ness, à Émain Macha. Et comme ils avaient coutume
de s’assembler dans la maison dite de la Branche Rouge, on les appelait
indistinctement les compagnons de la Branche Rouge [58] .

CHAPITRE II

L’étrange naissance d’un héros
    Le roi des Ulates Conor, fils de Ness, elle-même fille d’Éochaid
au Talon Jaune, avait deux sœurs qui se nommaient Finnchoem et Dechtiré. La
première, l’aînée, avait épousé le druide Amorgen, et en avait eu un fils, le
champion Conall Cernach. La seconde était plus particulièrement chère à Conor, et
il en faisait état en lui abandonnant, de temps à autre, les rênes de son char
lorsqu’il se rendait à la chasse ou en visite chez l’un de ses nombreux vassaux.
C’était là lui accorder un honneur insigne, car jamais avant elle aucune femme
n’avait conduit de char royal en Irlande.
    Or, il arriva qu’un jour Dechtiré disparut en compagnie de
cinquante jeunes filles d’Émain Macha. Elles avaient quitté la forteresse sans
que personne ne s’en aperçût, et l’on ne savait où elles étaient allées. Et l’on
eut beau les chercher partout, on ne put réussir à les découvrir, et de longs
mois s’écoulèrent sans qu’on en eût la moindre nouvelle. Conor et les chefs des
Ulates en furent d’autant plus affectés que tous chérissaient Dechtiré, et que
l’incertitude où ils demeuraient de son sort et de celui de ses compagnes leur
pesait

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